Le Journal de Montreal - Weekend
AUCUN DIALOGUE POSSIBLE
Rien ne semble tranché depuis que Copernic et Galilée ont tenté de démontrer que la terre tourne autour du soleil, et non l’inverse, et que ce dernier a été condamné à la réclusion par le tribunal de l’Inquisition, dirigé par le Saint-Office, il y a moins de quatre cents ans, en 1633. Galilée, l’un des plus grands savants de l’Europe, devait même cesser de parler avec quiconque, « ouvertement ou secrètement », du mouvement de la Terre « sous peine des plus sérieuses pénalités ». Le pape lui refusera même une sépulture digne de son rang. Toute recherche universitaire devait être soumise à « l’obéissance indiscutable de la croyance », et la tutelle de la théologie sur la philosophie s’imposait de soi. Dans cet essai, l’auteur analyse justement les rapports tumultueux entre les sciences et ses principales disciplines : astronomie, physique, géologie, histoire naturelle, d’une part, et les institutions religieuses dans le monde occidental depuis le XVIIe siècle, d’autre part.
Foi et raison se sont toujours opposées depuis les débuts du christianisme. Au début des années soixante-dix du siècle dernier, nous dit Gingras, on assiste à une nouvelle tentative d’associer Dieu et la science, avec l’arrivée de nouveaux courants de pensée associés à la contre-culture et au nouvel âge. Ceux-ci cherchent à « associer des traditions philosophiques et religieuses anciennes aux “mystères” de la physique quantique ». On cherche ainsi à faire croire que la science moderne est compatible avec les croyances religieuses. Cette tendance, qui se veut cool, est encore plus palpable depuis la montée des sectes religieuses fondamentalistes.
En fait, il n’y a rien de nouveau sous le soleil, sinon qu’on se drape de discours attrayants pour nous faire croire que sciences et religions ne sont pas incompatibles.
LUTTE ENTRE DEUX GROUPES
Ce que nous dit l’auteur, c’est que cet antagonisme historique révèle une lutte de pouvoir féroce entre deux groupes, dont celui, puissant et bien structuré, de l’Église chrétienne qui a longtemps dominé nos sociétés. En perte de vitesse, elle veut regagner sa position hégémonique. Et cela vaut également pour les sectes protestantes et les organisations musulmanes. Un dénominateur commun les unit tous et toutes : leur rejet de la théorie de l’évolution, jugée offensante ou immorale.
Alors qu’aujourd’hui, « des astronomes cherchent activement de la vie intelligente dans d’autres systèmes solaires », il en aura fallu des condamnations, des bannissements, des larmes et des cris pour que soit finalement admise la pluralité des mondes.
La science est aussi présente en archéologie et Gingras raconte l’histoire de la découverte du « squelette le plus complet, le mieux conservé et l’un des plus anciens sur le territoire des États-Unis » et de la saga juridique qui s’en est suivie. Surnommé « l’homme de Kennewick », il ne serait pas un ancêtre direct des nations indiennes qui habitent aujourd’hui ce territoire des États-Unis et proviendrait des îles du Pacifique, il y a quelque 9000 ans.
Autre fait alarmant : le fondamentalisme religieux aux États-Unis est si puissant qu’une « réglementation fédérale sur la protection de l’enfant permet aux parents de remplacer les traitements médicaux reconnus par la simple prière lorsque leur choix est fondé sur une conviction religieuse sincère ». Au moins 172 enfants sont morts dans de telles circonstances entre 1975 et 1995, Dieu et Jésus étant les seuls médecins acceptés par le biais de la prière. Sans parler du refus de se faire vacciner. Et Gingras conclut : « Seul davantage de science peut corriger les erreurs de la science. »
Petite devinette en terminant : Saviez-vous que le substantif scientifique (scientist), utilisé d’abord comme adjectif, a été inventé en 1830 par le philosophe, mathématicien et pasteur anglican William Whewell pour remplacer le terme natural philosopher ?