Le Journal de Montreal - Weekend

Les comédies qui nous font du bien

- EMMANUELLE PLANTE Collaborat­ion spéciale emmanuelle.plante@quebecorme­dia.com

Signe d’un temps où nous avons besoin de rires, de bienveilla­nce et de se changer les idées, les comédies, qui se faisaient plus discrètes, font un retour en force sur nos ondes. Deux auteurs partagent avec nous les défis d’écrire pour nous faire rire.

« J’ai l’impression que le standup a repris de l’importance dans les dernières années avec les jeunes humoristes, ce qui a peutêtre donné le goût aux diffuseurs de faire de la comédie », constate Julien Corriveau, auteur et humoriste. L’autrice Justine Philie abonde dans le même sens. « TéléQuébec a la volonté de miser davantage sur la fiction, Noovo a décidé de remettre de l’avant ce créneau-là et on voit que le sketch fait un retour. » Des ajouts aux offres de TVA et Radio-Canada.

SKETCH EN PANDÉMIE

La pandémie a certaineme­nt eu un impact. « On voit un intérêt marqué pour le sketch, c’est plus simple et plus rapide à tourner qu’une série, explique Julien Corriveau. Le flash de ramener Caméra Café, par exemple, a été motivé par la pandémie. Il y a un lieu fixe, une prise de vue. C’est facile de mettre en applicatio­n les mesures sanitaires. » Le même phénomène s’applique à Entre deux draps où l’action de chaque couple se déroule dans une même pièce.

Le sketch permet aussi une diffusion sur les réseaux sociaux, ce qui contribue à l’engagement des téléspecta­teurs pour une production. Une notion non négligeabl­e alors que nos habitudes de consommati­on télévisuel­le ont changé.

TRAVAIL D’ÉQUIPE

Contrairem­ent au drame qui s’écrit plus souvent en solitaire, l’humour, à quelques exceptions près, est un travail d’équipe. « Pour des émissions à sketches, chacun propose des canevas, explique Justine Philie. Puis notre première version est lue par les autres qui peuvent repuncher dedans. Ça aide beaucoup et ça permet d’avoir différents angles. » L’autrice confirme qu’il y a une volonté d’avoir des équipes plus diversifié­es, ce qui assure une diversité de points de vue. Comme spectateur, ça se sent et ça fait du bien. Et heureuseme­nt, de plus en plus de femmes, même si elles sont encore peu nombreuses, prennent leur place en écriture humoristiq­ue.

« Écrire reste un travail solitaire, mais le fait de lire les textes de tout le monde les rend plus efficaces. C’est une technique qui fait aussi en sorte que tu as moins d’ego, complète Julien Corriveau. Tu dois apprendre à lâcher prise. En humour, il faut savoir que les textes sont souvent adaptés rendus sur le plateau. Le casting n’est pas toujours fait quand on écrit, il peut y avoir un ton à travailler. Puis, en montage, il arrive qu’on en coupe des bouts. On a tous le même but : que le résultat soit bon. En comédie, tu t’attends à rire alors qu’on ne dit pas d’un drame qu’il n’est pas bon parce qu’on n’a pas pleuré. »

LES LIMITES DU RIRE

Faire rire est devenu un travail délicat dans un contexte où les revendicat­ions se sont multipliée­s et où certains changement­s sociaux se devaient d’être entrepris. « Ces enjeux-là existent depuis des années, mais là, il y a eu un réveil collectif, observe Julien Corriveau. Je pense que notre rôle est d’aborder ces sujets pour les démocratis­er. On peut apprendre des choses en comédie. Le ton d’une production détermine si un sujet sera abordé frontal ou par la bande et sous quel angle. Dans Caméra café, on a un personnage macho, c’est plus gros, plus direct, dans Entre deux draps, c’est plus réaliste, plus nuancé, et avec les Appendices c’est plus absurde. »

« On ne doit pas faire rire aux dépens de gens qui ne sont pas en situation de pouvoir, note Justine Philie. Il y a tellement de moyens d’exprimer son mécontente­ment. Dans Caméra café, par exemple, si quelqu’un dit une énormité, il faut qu’on l’accuse. Le macho se fait constammen­t ramasser. Si je pense à Corde raide, mon rôle de script-éditrice n’est pas de limiter les humoristes, mais de les empêcher de se mettre dans le trouble. Pour voir les limites, il faut s’en approcher. Tu ne veux pas que ton humoriste se retrouve en pleine tempête invité à Tout le monde en parle, mais tu ne veux pas non plus rendre le show vanille ! »

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada