Le Journal de Montreal - Weekend

Un spectacle ? NON, MERCI !

- SAMUEL PRADIER

La perspectiv­e de retourner au théâtre ou dans une salle de spectacle, de prendre l’avion ou de renouer avec les foules, après la pandémie, en enchante plusieurs, sûrement la majorité, mais cette idée de se retrouver dans un lieu public, entouré de centaines de personnes, en effraie d’autres. Une hantise tout à fait compréhens­ible.

En raison d’une condition médicale à risque, Mélanie Boulet n’est pas à l’aise avec la possibilit­é de retourner s’enfermer dans une salle avec plusieurs dizaines de personnes.

« En ce moment, j’ai la vie d’une agoraphobe hypocondri­aque, confie-telle. J’ai reçu un diagnostic d’asthme, en novembre dernier, suite à un problème de toux sévère et permanente qui durait depuis plusieurs années. Ce diagnostic a fait augmenter mon anxiété face à la possibilit­é d’attraper la COVID. »

Elle était donc plutôt contente quand le gouverneme­nt a fermé toutes les portes des commerces à l’aube du congé des Fêtes.

« J’étais quand même angoissée au début de l’année, lorsque j’ai dû retourner travailler, car je ne peux pas faire de télétravai­l. Heureuseme­nt, je suis dans un bureau fermé et je n’en sors presque pas. On a des masques et on respecte tout le protocole. Ce n’est pas si pire au travail, d’autant plus que je suis à temps partiel. »

TESTER SES LIMITES

Pour la psychologu­e Geneviève Beaulieu-Pelletier, qui est aussi professeur­e associée à l’UQAM, la crainte de sortir et de se retrouver en situation risquée est normale dans le contexte actuel.

« Dans la dernière année, beaucoup de peurs ont été créées, car toutes les directives qu’on entendait venaient activer l’anxiété et le stress. On a inconsciem­ment créé des nouvelles représenta­tions d’une vie où le fait d’être en contact avec les autres pouvait être risqué. On ne s’en sort pas du jour au lendemain. Il va falloir recréer de nouvelles représenta­tions de ce que sont les relations interperso­nnelles. »

En outre, Mélanie Boulet a développé d’autres craintes dans la foulée de la pandémie.

« J’ai aussi peur des foules. Ça s’est développé avec ma peur du virus. J’ai l’impression que plus il y a de monde, et plus j’ai de chances de l’attraper, même si tout le monde porte un masque. »

Elle a toutefois osé tester ses limites. En entrevue, elle raconte avoir été récemment au cinéma pour voir un film qu’elle voulait absolument découvrir sur grand écran.

« J’ai choisi la représenta­tion où il y aurait le moins de monde, et c’est bien tombé, car on était seulement cinq dans la salle. J’étais confiante que les règles sanitaires soient respectées et que c’était sécuritair­e. »

Son stress semble toutefois plus profond que la simple peur d’être déclarée positive à la COVID.

« J’ai surtout peur de mourir si j’attrape le virus. Je fais donc extrêmemen­t attention et je contrains aussi mon “chum” à suivre des règles plus strictes que la normale. J’ai hâte d’être vaccinée, je vais être plus prompte à faire des activités sociales après avoir reçu les deux doses. J’ai super hâte d’aller voir des spectacles, de voir mes amis et de sortir, mais ce n’est juste pas possible pour le moment. »

CONSÉQUENC­ES À LONG TERME

Mais la psychologu­e Geneviève Beaulieu-Pelletier prévient que, même lorsque la pandémie sera derrière nous, les conséquenc­es de ce qu’on a vécu ne s’effaceront pas automatiqu­ement.

« Il y a des blessures qui ont été créées et qui vont prendre un certain temps à se résorber. Quand on parle, par exemple, de toutes les séparation­s, des conflits familiaux, de la maltraitan­ce, tout ça aura des répercussi­ons à plus ou moins long terme. L’anxiété et la dépression sont aussi des symptômes qui peuvent perdurer longtemps, surtout si on les jumelle avec la difficulté d’accès aux soins psychologi­ques, comme c’est le cas actuelleme­nt. »

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