Le Journal de Montreal - Weekend

UN PAS VERS D’AUTRES CULTURES

- SAMUEL PRADIER

Nassara, c’est l’histoire d’une femme blanche bouleversé­e par sa rencontre avec un jeune burkinabé, que personne n’entend et à qui on ne donne jamais la parole. Dans la réalité, le comédien malien Moussa Sidibé, qui devait incarner le jeune homme dans la pièce présentée au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, ne pourra pas être sur scène, son visa pour le Canada ayant été refusé à trois reprises.

Sophie Cadieux, qui signe la mise en scène, a malgré tout choisi de faire entendre la voix du comédien. « Au départ, j’ai choisi Moussa Sidibé parce qu’il est exceptionn­el. Il y a eu trois refus simplement parce que c’est un jeune homme africain, mais c’était pour moi impossible de le laisser tomber. »

La pièce de Carole Fréchette parle de la rencontre, dans un colloque d’agricultur­e urbaine en Afrique, entre une femme (Marie-Thérèse Fortin), qui vit plusieurs deuils et une perte de repères, et un jeune homme burkinabé de 18 ans, lui aussi complèteme­nt perdu dans sa propre ville.

« Pour incarner ce jeune garçon qui n’a jamais la parole et qui veut parler, sans même trop savoir quoi dire, j’ai décidé de garder Moussa. Je pense qu’entendre seulement sa voix, en plus de son absence, rajoute un sens à la pièce. »

UN PROPOS HUMANISTE

Sophie Cadieux confie avoir été littéralem­ent happée par le texte de cette pièce à sa première lecture.

« Je l’ai lu d’un souffle et j’ai immédiatem­ent accepté l’invitation de la mettre en scène. J’avais l’impression d’être comme dans un film d’action et de suspense, et en même temps dans un roman avec une narration omniscient­e entre ce que je vois, ce que je ressens et ce que le personnage décide de me montrer. »

Elle décrit l’écriture de la pièce comme envoûtante et très sensuelle pour évoquer le quotidien burkinabé.

« Comme Carole Fréchette est une fine observatri­ce, on sent à travers son écriture qu’elle est marquée, par exemple, par la présence des enfants qui couraient dans la rue en lui criant “Nassara”, qui veut dire femme blanche en mooré. Autant elle se sentait étrangère, autant elle se sentait accueillie en même temps. Elle parle beaucoup de la chaleur des gens. »

En plus des deux personnage­s, le spectateur sera dirigé par une narratrice, en la personne de Stephie Mazunya.

« Elle apporte un pouvoir d’évocation, et elle pouvait représente­r la position de la Québécoise africaine. Je trouvais intéressan­t que la narration soit aussi comme un griot, un genre de conteur de cette tradition. »

Sophie Cadieux parle de ce projet comme d’un pas vers d’autres cultures.

Nassara, de Carole Fréchette, mise en scène de Sophie Cadieux, et avec Marie-Thérèse Fortin, Stephie Mazunya et Moussa Sidibé, est présentée jusqu’au 25 septembre, au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui.

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Stephie Mazunya et Marie-Thérèse Fortin dans la pièce Nassara, présentée au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui.

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