Le Journal de Montreal - Weekend
UN RÉGAL SENSORIEL
Un film de Eric Besnard Avec Grégory Gadebois, Isabelle Carré, Benjamin Lavernhe
On se doute bien que l’histoire de l’« invention » du premier restaurant a été quelque peu romancée – dans tous les sens du terme –, mais on n’en a cure tant le film Délicieux est savoureux.
Nous sommes en 1789 – la Bastille tombera quelques jours après la fin du long métrage – et Pierre Manceron est le cuisinier du duc de Chamfort (Benjamin Lavernhe). Or, Manceron est comme tous les chefs : têtu – voire obtus – et indomptable – voire inflexible. Lorsqu’il crée un amuse-bouche à base – ô crime – de vulgaire pomme de terre, son maître le jette dehors. Notre homme décide alors de mettre à exécution son rêve : celui d’ouvrir une auberge offrant un vrai repas à ses clients, ce que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de restaurant.
Le concept est révolutionnaire – oui, c’est dans l’air du temps –, la bonne chère est réservée aux nobles, qui ne sont d’ailleurs pas dépeints sous leur meilleur jour, et le peuple meurt de faim. Arrive alors Louise (Isabelle Carré) qui demande à Manceron d’être son apprentie. Une autre révolution, cette fois-ci émanant d’une femme.
À LA MANIÈRE D’UN CONTE
Pour une fois, les dialogues ampoulés et déclamés théâtralement des habituelles productions françaises – qui dérangent nos oreilles moins guindées – siéent parfaitement à ce Délicieux puisqu’ils nous transportent au siècle des Lumières avec efficacité (sous-entendus et double sens inclus) et nous font vivre cette histoire à la manière d’un conte ou, mieux, d’un rêve.
La maîtrise, par le cinéaste Éric Besnard, de la mise en scène – décors, éclairages, positionnement des acteurs – fait de nombreux plans de véritables tableaux, douces farandoles de natures mortes offertes à la convoitise gourmande du spectateur salivant devant légumes, fruits ou volailles en train de rôtir dans l’âtre.
Régal sensoriel – on se prend à souhaiter l’invention du cinéma odoriférant –, Délicieux aiguise les appétits, réveille les papilles et comble d’aise.