Le Journal de Montreal - Weekend

« L’HUMOUR, C’EST SEXY À TOUT ÂGE »

- MICHÈLE LEMIEUX

Louise Bombardier n’a pas la langue dans sa poche. À 68 ans, plus libre que jamais, l’actrice et auteure aborde les tabous avec une franchise déconcerta­nte. Elle nous parle notamment de la conception du vieillisse­ment dans notre société – particuliè­rement celui des femmes –, de l’apparence et de l’impact de la pandémie sur le moral. Louise, vous jouez dans Le bonheur. Ce projet a dû être une joie pour vous ?

Oui, ç’a été un beau cadeau, d’autant plus que le réalisateu­r, Alain Desrochers – avec qui j’avais tourné Les Bougon –, m’a demandé de le rencontrer sans audition. Je n’avais jamais vécu cela ! À 68 ans, les premiers rôles n’existent pas en général... C’était donc un bonheur ! J’ai tourné avec trois personnes que j’admire beaucoup : Guillaume (Cyr), Sandrine (Bisson) et Michel (Charette). Nous avions tous des atomes crochus !

Comment décririez-vous votre personnage, Carole ?

On dit souvent qu’en vieillissa­nt, les barrières des femmes tombent. Elles disent tout haut ce qu’elles pensent tout bas. Carole est bien représenta­tive de cela. C’est une femme de droite, qui est à l’argent et qui veut que sa fille soit avec le genre d’homme qu’elle-même aimerait avoir à ses côtés, un profession­nel, alors qu’elle vit plutôt avec un survivalis­te... (rires)

Avez-vous d’autres projets au programme ?

J’avais deux shows de théâtre, qui ont été reportés. Revoir des camarades durant les répétition­s m’a fait tellement de bien ! Puis, on nous a encore débranchés. C’est terrible ce que ça peut faire intérieure­ment... On est des gens de gang. C’est difficile de vivre sans famille. Les êtres humains sont des gens grégaires, alors c’est triste. J’ai quand même pas mal tourné l’an dernier. Je pense qu’on a décidé que je n’étais pas pire pour une fille aux cheveux blancs... Ça m’a sûrement aidée, car je n’ai jamais fait autant de télé.

Les cheveux blancs, c’est récent ?

Non, ça date d’il y a trois ans. J’ai remarqué qu’en pub, ça marche fort. Avoir les cheveux blancs permet de s’adresser à un public délaissé dans les séries et téléromans, à mon avis. À mon âge, on a un casting installé, mais je ne veux pas toujours jouer le même genre de personnage­s...

Vous avez dit, d’entrée de jeu, avoir 68 ans. Vous avez choisi de ne pas vous en cacher ?

Il y a d’autres façons de se cacher : les manipulati­ons du visage et du corps. C’est pour cette raison que je joue des vieilles ; les femmes de mon âge qui ne sont pas retouchées sont rares... Quand on ne l’est pas, ça paraît à la télé. Moi, je ne veux pas toucher à mon visage, je veux garder mes rides d’expression. Aujourd’hui, les femmes commencent à se faire retoucher à 20 ans ! On ne sait plus si c’est la mère ou la fille. Je n’ai jamais été dans l’apparence, j’ai toujours fait autre chose. Je viens d’écrire un recueil de poésie, Dans le giron vert de l’été ,qui sortira en mars chez Poètes de brousse.

Comment composez-vous avec le passage du temps ?

J’ai toujours été vieille, même quand j’étais jeune. Je savais que j’allais être mieux dans ma peau lorsque je serais plus âgée. C’est ce qui s’est passé. Pour ceux qui avancent en âge en santé, c’est merveilleu­x, mais pour les autres, ce n’est pas jojo... Tout cela me fait un peu peur, mais je me dis que je garde des passions. Sans passion, on s’étiole, on devient vieux avant de l’être. C’est pour cette raison que je veux rester vaillante et battante. Je trouve que l’humour, c’est sexy à tout âge. La haine du vieillisse­ment est si profonde qu’il faut se faire aider, méditer, sinon, c’est trop facile de succomber au regard hostile. Il faut travailler à ne pas perdre sa confiance en soi, sa sérénité. C’est un travail perpétuel, encore plus pour nous, acteurs, qui sommes exposés.

On sent que vous n’avez plus de filtre, que vous êtes libre comme peu le sont...

Je n’ai jamais été capable de jouer le jeu de la séduction, de séduire les producteur­s, les diffuseurs. Je n’y arrive pas et j’y arrive encore moins avec les années. Il faut quand même regarder les choses avec humour et détachemen­t.

Sentez-vous parfois que vous dérangez lorsque vous vous exprimez ?

Oui, et je suis sûre que ça m’a valu de ne pas travailler, parfois. Quelqu’un qui n’a pas de filtre s’attire des ennemis. Ce n’est pas tout le monde qui a envie d’entendre la vérité. Je préfère travailler avec des gens qui m’aiment comme je suis que de travailler avec des gens qui ne m’aiment pas vraiment.

Elle joue dans Le bonheur, le mercredi à 21 h 30, à TVA. Louise présentera bientôt un recueil de poèmes, Dans le giron vert de l’été, publié chez Poètes de brousse.

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LOUISE BOMBARDIER

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