Le Journal de Montreal - Weekend
HORREUR ET FANTASTIQUE POUR TOUS
5 questions à Frédérik D’Amours, réalisateur de Lac-Noir
Frédérik D’Amours a toujours été fasciné par les intrigues et les effets spéciaux. Après avoir réalisé quelques films (Noémie : le secret,À vos marques… party !) et des séries populaires (Lance et compte : la déchirure et la finale, O’, L’Échappée, Alertes), il revient à ses premiers amours avec Lac-Noir, une série de genre qui flirte habilement avec l’horreur et le fantastique, mais qui se veut à la portée de tous.
Il se fait peu de séries de genre au Québec. Est-ce que le processus fut long ?
Tout le monde dans l’industrie sait que j’aime le genre depuis mon enfance. Mes premiers courts-métrages allaient dans ce sens-là. Ice cold a été vu dans 18 festivals, gagné un prix à Los Angeles, mais est passé inaperçu au Québec. Ici, on n’a pas les moyens ni cette culture-là. On a toujours été plus frileux, mais je pense qu’on est rendu là. Et je me suis dit que c’est pas vrai que j’allais avoir 50 ans et que je n’aurais pas réalisé ma série de genre. L’idée m’est venue autour de 2012-2013. Mon ami Adrien Morot, un maquilleur d’effets spéciaux très sollicité à Hollywood, devait faire de la place dans son atelier. C’est là que j’ai vu la bête. Je lui ai dit de ne pas s’en débarrasser. Je voulais créer une histoire avec ça. Un projet qui sort de l’ordinaire sans être trop pointu. Je suis allé voir Charles Lafortune chez Pixcom. Lac-Noir a été « pitché » il y a quatre ans à TVA. Avec Charles Dionne et Martin Girard aux textes, ça a été trois ans de travail. On a eu un go en mars 2021 et en juin on tournait.
Est-ce que le succès du genre sur les plateformes comme Netflix t’a donné des arguments ?
Il faut profiter du momentum que connaissent les séries de genre sur Netflix. Il y en a de plus en plus. Il faut aussi aller chercher les jeunes. Lac-Noir se veut rassembleur.
On y retrouve plusieurs archétypes de l’horreur. Le curé, le fou du village. Utiliser certaines conventions était nécessaire pour toi ?
J’ai voulu volontairement jouer avec les clichés. Le curé, Lisette, une histoire d’amour à la Twilight, le côté suspect de chacun à la Sixth Sense. C’est un Who done it. On veut savoir qui se cache derrière la créature. Il fallait être efficace et mystérieux. Comme réalisateur, j’ai dirigé les comédiens pour qu’ils n’en fassent pas trop. Malgré les situations, je leur disais : vas-y normalement. À l’écriture, il fallait penser à attacher toutes les ficelles pour que tout s’emboîte. Quand on regarde la série une deuxième fois, on peut voir certaines ramifications qu’on avait peut-être échappées et ça me fait très plaisir.
La bête, comment tu l’as travaillée avec les créateurs ?
Les effets spéciaux coûtent cher. J’ai une chance inouïe d’avoir Adrien Morot comme ami. La bête existait déjà d’une certaine façon, mais Adrien n’en était pas satisfait. Il l’a donc retravaillée from scratch. Bruno Gatien a conçu les maquillages. Mais il fallait aussi travailler toute la direction artistique avec Francis Tremblay, les éclairages, la direction photo avec Jean Cabana.
Est-ce qu’il y a eu des deuils à faire ou de belles surprises ?
Au Québec, on fait des miracles. Quarante jours de tournage pour une série comme celle-là, c’est un exploit. Les effets spéciaux ont été testés pendant le tournage. J’avais des story-boards pour tous les épisodes, mais quand on rentre dans le bois, on fait face à plusieurs embûches. Trouver les lieux a été un défi aussi. Le camp de vacances en rénovation est un personnage. Plusieurs rouvraient l’été dernier. On l’a trouvé à Wentworth-Nord dans les Laurentides. On a triché pour le village qui se trouve sur la Rive-Sud. Je dois dire que l’équipe a été formidable. On sentait l’enthousiasme de chacun, de tous les départements. Des comédiens aussi. C’est un univers foisonnant qui pourrait facilement avoir une suite.
Lac-Noir est disponible sur Club illico