Le Journal de Montreal - Weekend
LA BELLE ILLUSION
Même s’il a toujours été très occupé avec la réalisation de ses films, Xavier Dolan a souvent manifesté son désir de travailler davantage devant la caméra. C’est ce qu’il a eu l’occasion de faire dans le drame français Illusions perdues, une somptueuse adaptation du roman de Balzac qui lui a valu une nomination comme acteur à la prochaine cérémonie des César.
Au bout du fil, Xavier Dolan est, de toute évidence, dans une grande forme. Occupé ces jours-ci avec le montage de La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé, sa première série télé attendue sur la plateforme Club illico cet automne, l’acteur et réalisateur parle avec enthousiasme de son expérience sur le plateau de tournage du film Illusions perdues, drame d’époque ambitieux, réalisé par le cinéaste français Xavier Giannoli (Marguerite).
Illusions perdues relate le parcours d’un jeune poète idéaliste (Benjamin Voisin) qui quitte sa province natale pour tenter sa chance dans le milieu littéraire de Paris. Il se fera engager comme journaliste dans un journal libéral qui mise sur la polémique et les fausses nouvelles pour sortir du lot. En plus de prêter ses traits au personnage de Nathan, un jeune écrivain mondain, Xavier Dolan assure la narration du film.
« Au départ, le rôle n’incluait pas la narration, explique Dolan. C’est moi qui l’ai proposée à Xavier [Giannoli]. Je n’étais pas gêné de le faire parce que Xavier est un mordu de cinéma qui citait souvent Casino de Scorsese comme une référence. Je ne me suis pas senti mal de lui dire que dans The Big Lebowski [des frères Coen], le narrateur est un personnage qui fait partie de l’histoire. On s’entend pour dire que The Big Lebowski est totalement à l’opposé des Illusions perdues. Mais il a aimé l’idée et il a accepté. »
COMPLICITÉ
Illusions perdues a été tourné en France à l’automne 2019. Bénéficiant d’un budget important, Xavier Giannoli a mis beaucoup de soins dans sa reconstitution du Paris du 19e siècle, recréant notamment l’effervescence de la vie mondaine et culturelle de l’époque.
« Ils avaient les moyens de leurs ambitions, relate Dolan. J’ai été impressionné par la maîtrise de Xavier à la mise en scène. Pour un perfectionniste comme moi qui n’a jamais tourné de film d’époque, c’était inspirant de le voir communiquer aussi bien sa vision. Il était aussi très inclusif dans sa démarche. Il me montrait énormément de scènes et cherchait souvent ma validation. C’était inusité, parce que le rapport entre les réalisateurs n’est pas toujours facile dans cette industrie. Il y a beaucoup de compétitivité. Longtemps, j’ai senti qu’il y avait une distance entre moi et les autres cinéastes. Mais avec Xavier, c’était le contraire. »
Dolan dit aussi avoir apprécié son expérience de tournage avec Gérard Depardieu, qui campe un éditeur dans le film. Le Québécois a eu la chance de partager quelques scènes avec ce monstre sacré du cinéma français.
« Comme tout ce qu’il fait, c’était gargantuesque, lance Dolan en riant. Je ne l’avais jamais rencontré, Gérard, et j’avoue que j’ai été très impressionné par son talent, sa culture et ses contradictions. Il peut passer d’une joke de fesses à une référence sur Molière en l’espace de 30 secondes. Je suis bon public pour les deux (rires). C’est un homme excessivement lettré, mais aussi excessivement salace. Ç’a donné lieu à des anecdotes très croustillantes et une ambiance assez festive sur le plateau quand il était là. »
Xavier Dolan admet ne pas avoir de projet de film en ce moment. Le réalisateur de Mommy et de J’ai tué ma mère lorgne plutôt du côté de la télé. En plus de mettre la touche finale à sa série La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé, il planche sur un projet de télésérie américaine.
« Pour moi, la télé évoque la promesse d’un public, dit-il. Je ne dis pas que je suis découragé du cinéma. Mais je n’ai pas eu la chance que certains ont eue d’avoir toujours un public pour mes films. Le fait de savoir d’avance que les gens vont voir ta série parce qu’elle est disponible sur une plateforme, c’est plus réconfortant que de se demander si une personne va prendre sa voiture pour aller voir ton film au Cinéma Beaubien. »
Vendredi prochain, Dolan se rendra à Paris pour assister à la 47e Cérémonie des César, où il est finaliste dans la catégorie du meilleur acteur dans un second rôle. Il se dit « ravi » de cette première nomination en tant qu’acteur : « C’est une reconnaissance qui m’est très chère. Ça vient valider quelque chose qui n’a pas souvent été validé. »