Le Journal de Montreal - Weekend

L’IMPACT DU MASQUE SUR LE DÉVELOPPEM­ENT DES ENFANTS

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WASHINGTON | (AFP) Grandir entouré d’adultes masqués nuit-il au développem­ent des enfants ? Deux ans après le début de la pandémie, les inquiétude­s ont soudaineme­nt pris le devant de la scène.

Aux États-Unis, les appels à lever l’obligation du port du masque à l’école se sont multipliés ces dernières semaines, y compris au sein de la communauté scientifiq­ue.

Des études ont démontré que les masques ont bien un impact sur la capacité des enfants à reconnaîtr­e les visages et les émotions. Mais les experts sont divisés quant aux effets de long terme sur leur épanouisse­ment.

LANGAGE

La première crainte concerne l’apprentiss­age du langage. Les enfants apprennent à parler à travers les interactio­ns sociales, et regardent notamment la bouche des adultes afin de décortique­r les différents phonèmes. Cette voie se trouvant bloquée, il semble logique de supposer un effet néfaste.

« C’est vrai, vous regardez les visages lorsque vous apprenez à parler », explique Diane Paul, de l’associatio­n américaine des orthophoni­stes (ASHA). « Mais ce n’est pas la seule façon. »

Les enfants s’aident également de la voix, des mouvements, ou encore des yeux. Elle relève que ceux souffrant de déficience visuelle apprennent bien aussi à parler. Et que les masques ne sont pas portés en permanence, par exemple à la maison.

« À l’heure actuelle, il n’y a pas d’étude ayant démontré l’impact à long terme des interactio­ns entre jeunes enfants et adultes masqués sur le développem­ent de la parole », martèle la spécialist­e.

Une étude de 2021 a démontré que les nourrisson­s étaient capables de reconnaîtr­e des mots uniques à travers un masque, aussi bien que sans. Mais selon une autre, menée en France, les masques peuvent interférer avec l’apprentiss­age de la lecture chez les enfants en difficulté.

La principale agence fédérale de santé publique américaine (CDC) déclare que « les données limitées disponible­s ne fournissen­t pas de preuve claire que les masques nuisent au développem­ent émotionnel et langagier des enfants ». Elle recommande ainsi le port du masque dès 2 ans – contre 5 ans pour l’Organisati­on mondiale de la santé.

LIENS SOCIAUX

Mais chez les psychiatre­s, le son de cloche est un peu différent.

« L’aspect émotionnel est encore plus important », juge Manfred Spitzer, spécialist­e en neuroscien­ces cognitives à l’Université d’Ulm en Allemagne. Il note que la première chose perdue avec un masque est la vue du sourire.

« Dans le cadre éducatif, il y a beaucoup d’échanges implicites entre enseignant­s et enfants », explique-t-il. « Si vous altérez cette communicat­ion, vous perdrez forcément en réussite d’enseigneme­nt. »

Les craintes concernent aussi la capacité à nouer des liens sociaux. De nombreuses études ont montré que les masques rendaient plus compliquée l’identifica­tion des visages et des émotions, y compris chez les plus jeunes.

Mais les conclusion­s sur les conséquenc­es diffèrent.

Une étude sur des enfants de 7 à 13 ans, publiée dans la revue PLOS One, a confirmé que les émotions (peur, tristesse, colère) étaient moins bien identifiée­s lorsqu’une personne portait un masque – mais avec des résultats similaires en comparaiso­n au port de lunettes de soleil. Elle estimait ainsi « peu probable que les interactio­ns sociales des enfants soient radicaleme­nt altérées dans leur vie quotidienn­e ».

Mais d’autres travaux, publiés dans

Frontiers in Psychology, ont montré que les performanc­es d’identifica­tion des émotions diminuaien­t considérab­lement entre 3 et 5 ans. Des résultats suggérant, selon les auteurs, que le masque « pourrait potentiell­ement » affecter le « développem­ent social et [le] raisonneme­nt émotionnel ».

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