Le Journal de Montreal - Weekend

APPRENDRE À VIVRE AVEC L’AUTISME

- SAMUEL PRADIER

Mégane est autiste de type Asperger, mais ce n’est qu’en mars dernier qu’elle a obtenu son diagnostic, à l’âge de 21 ans. Plus jeune, elle a appris à le dissimuler, tout en vivant secrètemen­t avec sa différence. Elle a accepté de raconter son parcours.

De son plus lointain souvenir, Mégane a toujours su qu’elle était différente des autres.

« Je comprenais par exemple des raisonneme­nts mathématiq­ues très rapidement, alors que tout le monde avait du mal, mais je ne comprenais pas des blagues ou alors j’étais complèteme­nt perdue en éducation physique. Je me demandais pourquoi je devais courir après un ballon, alors que je n’en voyais pas l’intérêt. J’avais du mal à comprendre les concepts sociaux. »

Entretenir des amitiés était aussi difficile, notamment au secondaire.

« Je me suis fait des amis, mais ce n’était pas un lien très fort. Je restais avec une petite gang surtout pour ne pas rester toute seule. On m’invitait à des “parties”, des trucs en groupe, mais jamais pour des activités en tête à tête. »

DIAGNOSTIC TARDIF

À la suite d’une blague de son père, Mégane s’est mise à faire des recherches sur l’autisme.

« Je trouvais que les descriptio­ns me ressemblai­ent beaucoup. J’ai parlé avec un professeur, lui aussi autiste. Il avait déjà remarqué que j’avais des caractéris­tiques autistes. Cette personne m’a suggéré d’aller voir un neuropsych­ologue, et après une seule rencontre, le spécialist­e m’a confirmé le diagnostic. »

Mettre un nom sur sa différence l’a soulagé de l’autocritiq­ue et de l’autodénigr­ement qu’elle pouvait ressentir.

« Ça m’a permis d’être plus conciliant­e avec moi-même. Je n’avais plus à me taper sur la tête en me disant que je ne suis pas bonne, que je ne suis pas correcte. Beaucoup de gens me disent que ça ne paraît pas que je suis autiste. Mais avec mon diagnostic, j’ai pu me tourner vers une belle communauté qui me soutient. Ça fait parfois du bien de se parler entre autistes. »

Avant que n’arrive cette certitude sur son état, Mégane ne s’exprimait pas sur sa différence, elle la dissimulai­t autant qu’elle le pouvait.

« Plus jeune, je voulais être parfaite. Je faisais notamment de l’anxiété de performanc­e, mais j’ai appris à masquer. Depuis l’âge de 3 ou 4 ans, je voulais être une princesse dans le sens où je voulais le pouvoir et socialiser avec les gens. Mais je ne pouvais dire que j’étais différente, parce qu’une princesse, c’est la perfection. J’ai grandi avec ce sentiment-là. »

VULGARISER L’AUTISME

Alors qu’elle poursuivai­t des études en ingénierie, le diagnostic d’autisme lui a montré un nouveau champ de compétence. « J’ai eu une révélation. J’ai changé de domaine et je veux maintenant devenir neuropsych­ologue pour faire des diagnostic­s d’adultes féminins ou non binaires. Les hommes ont souvent leur diagnostic beaucoup plus tôt, alors que c’est plus difficile pour les autres personnes. »

Elle explique cette différence de dépistage de l’autisme en raison des considérat­ions sociales établies.

« Une petite fille qui pleure et qui est sensible, on va lui dire que c’est correct de vivre ses émotions. Pour le petit gars, on va trouver qu’il a peut-être un problème d’hyper sensibilit­é. Pour la même situation, les réactions vont être différente­s. Il y a aussi le fait que, dans le milieu scolaire, lorsque tu as de bonnes notes, il n’y a pas de problème. »

L’AMOUR EN QUESTION

Un des grands rêves de Mégane est de fonder une famille, et elle affirme du même souffle que la vie de couple est certaineme­nt plus facile pour elle que d’entretenir des amitiés.

« Des amis, c’est toujours une zone grise. Tu ne sais pas combien de fois tu peux les appeler, tu ne sais pas toujours ce que tu peux leur dire, tu vas parfois trop loin… On ne sait jamais comment agir avec des amis. En couple, c’est différent. Je vis actuelleme­nt avec une personne. On est tout le temps ensemble, ce n’est pas compliqué. Je peux lui envoyer des messages, lui dire n’importe quoi, il n’y a pas de problème. On fait juste partager notre amour, et tout va bien. »

Elle tient à préciser que la personne qui partage sa vie est neurotypiq­ue. « C’est quelqu’un de très ouvert d’esprit, qui essaie d’en apprendre le plus possible. Il faut quelqu’un qui comprenne comment je fonctionne. »

Mégane fait partie des nouveaux protagonis­tes de la série documentai­re Autiste, amour et amitié, diffusée le mercredi, à 19 h 30, sur Moi et Cie.

 ?? ?? Mégane
Mégane

Newspapers in French

Newspapers from Canada