Le Journal de Montreal - Weekend
IMAGINER POUR MIEUX SE REMÉMORER
Ciel à outrances
Que faisiez-vous le 11 septembre 2001, lors de la destruction des tours du World Trade Center ?
Au Centre Phi de Montréal, l’expérience immersive auditive Ciel à outrances cherche à stimuler notre mémoire face à cet événement en l’abor- dant de manière originale.
« C’est un moment historique, souligne l’instigatrice du projet Brigitte Poupart. [...] Notre vision du monde a changé. On a commencé à utiliser le mot terrorisme. »
Vingt ans plus tard, elle voulait y revenir, mais avec une approche différente. « Je ne voulais pas remontrer ces images qu’on avait déjà vues. J’ai donc privilégié le son qui porte en lui une intimité inégalée. »
Pour revenir au coeur de l’horreur, cette artiste multidisciplinaire s’est basée sur le livre de poésie du même nom que son projet, écrit par Madeleine Monette et publié aux Éditions de I’Hexagone.
« C’est un recueil de 12 poèmes, dit-elle. J’en ai choisi cinq, dont quatre qui racontent un morceau de vie de gens qui vivaient en périphérie des lieux du drame. Je trouvais qu’on pouvait s’identifier à ces gens-là. »
On entre par exemple en contact avec une femme qui accouche, une autre en deuil de son mari, ainsi qu’une personne qui vit une peine d’amour. Chacun de ces destins est décrit par des narrateurs différents parmi lesquels on retrouve Dany Laferrière et la chanteuse Betty Bonifassi.
DÉCOMBRES
Casque aux oreilles, le public est invité à écouter cette narration dans une salle sombre du Centre Phi, tapissée de poussière de roche où sont éparpillés des objets du quotidien de l’époque à moitié calcinés ou détruits, tel qu’on aurait pu les voir après l’effondrement des tours jumelles.
L’effet est très réussi. Les participants se sentent vraiment au coeur d’un désastre. Néanmoins, puisqu’il s’agit d’oeuvres poétiques, il n’est pas toujours facile de comprendre le sens de l’histoire ni comment elle se termine, car elles ne sont pas directement liées à la tragédie du 11 septembre 2001.
« Je voulais que chaque spectateur puisse recréer les lieux à sa façon, explique celle qui a joué dans les séries Piégés et
5e rang. L’imaginaire de l’auteure, le mien ainsi que l’imaginaire de celui qui vit l’expérience immersive se combinent pour former quelque chose d’unique. »
Présentée jusqu’au 15 mai, Ciel à outrances dure environ 45 minutes et est suivie de deux autres installations immersives, Habitat Sonore et Éternelle Radio, qui sont incluses dans le prix d’entrée.