Le Journal de Montreal - Weekend
« JESUIS CHANCEUX»
Zachary Richard affirme qu’il a eu une carrière curieuse. « Je suis américain. Si j’avais été perspicace ou plus intelligent, je serais allé à Nashville, j’aurais écrit des chansons country et j’aurais porté un chapeau de cowboy. »
Au lieu de la gloire à l’américaine, le destin a plutôt transporté l’auteur des immortelles L’arbre est dans ses feuilles, Travailler c’est trop dur et La
légende de Jean Batailleur (et Au bord du lac Bijou, et Cap enragé, et toutes les autres) au Québec, puis en Acadie. Des regrets ? Pantoute.
« Je suis chanceux », avoue-t-il, au téléphone depuis sa Louisiane chérie. « Ça m’a propulsé vers une rencontre avec la francophonie nord-américaine qui continue de m’inspirer. »
À travers son art, celui qui lance en fin de semaine un album symphonique pour célébrer ses 50 ans de carrière, est devenu l’un des plus vibrants défenseurs et promoteurs de la langue française en Amérique. Son parcours force l’admiration, mais il refuse de se péter les bretelles.
« Si j’ai pu, concède-t-il humblement, contribuer au développement d’une quelconque fierté et d’un engagement envers les démunis, que ce soit les francophones, les animaux de la forêt ou les oiseaux dans le ciel, j’en suis vraiment très, très fier. »
« Sur ma pierre tombale, enchaîne avec humour l’artiste de 71 ans, j’espère qu’ils vont écrire : il n’était pas si pire. »
NON À LA REINE
À cet effet, voici une anecdote qu’il a sûrement déjà racontée, mais qu’il vaut la peine de répéter pour bien situer les valeurs et les principes de cet homme de coeur : même s’il a passé la moitié de sa vie au Québec, jamais il n’a demandé d’obtenir la résidence permanente, malgré son amour profond pour la Belle Province.
Pourquoi ? « Parce qu’il fallait la résidence canadienne d’abord et, pour cela, il fallait prêter serment à la reine d’Angleterre. Ça aurait fait tourner mes ancêtres déportés dans leurs tombeaux. »
SWINGUER LE CLASSIQUE
S’il accepte volontiers de jeter un regard dans le rétroviseur de sa vie, Zachary Richard n’est quand même pas prêt à prendre sa retraite. À partir du mois de mai, il amorcera une première tournée québécoise en deux ans et demi. Avant, il aura lancé l’album Danser
le ciel, refuge de deux nouvelles compositions, dont la chanson-titre qui est un hommage à sa mère, Marie-Pauline Boudreaux, décédée à l’âge vénérable de 99 ans, en janvier 2021.
Tout le reste est consacré à des reprises symphoniques de ses plus grandes chansons. L’union, en apparence improbable, entre ses mélodies folk et la musique de chambre fait mouche.
« Il existe toutes sortes de stéréotypes, dont celui que des musiciens classiques ne peuvent jamais swinguer. Si vous écoutez Pagayez, vous allez constater que ce n’est pas vrai », plaide Zachary Richard.
Il fallait cependant que ça plaise au public. Le succès d’un concert avec un orchestre à Lafayette, il y a quelques années, a rassuré Zachary Richard.
UNE EXPLORATION AVENTUREUSE
La glace brisée, un projet d’album a été mis en chantier en collaboration avec les frères Boris (arrangements) et Nicolas Petrowski (réalisation) de même qu’avec David Torkanowsky (son directeur musical), mais Zachary Richard avait des exigences.
« Ça ne m’intéressait pas de faire un
greatest hits avec une dose de sucre apportée par des cordes. Je voulais vraiment une exploration du répertoire d’une façon assez aventureuse. Je leur ai suggéré une fourchette harmonique qui m’inspire beaucoup, c’est-à-dire le début du XXe siècle, Debussy, Satie, Ravel, Stravinsky », explique Zachary Richard.
Le folk symphonique a désormais son point de référence.
√ L’album Danser le ciel est présentement sur le marché.
√ Zachary Richard sera en concert le 22 mai, à la salle Albert-Rousseau de Québec. Pour toutes les dates : zacharyrichard.com