Le Journal de Montreal - Weekend
Un peu de paix et d’amour
En ces temps qu’il trouve difficiles, Alain Lefèvre, qui est en Grèce depuis deux ans, revient au Québec pendant quelques semaines pour offrir une série de concerts qu’il espère apaisants...
Le pianiste et compositeur Alain Lefèvre a un pied-à-terre au sud d’Athènes, en Grèce. Il s’y trouve avec celle qu’il a épousée il y a 38 ans, Johanne Martineau, depuis février 2020, à peu près au moment où les déplacements ont été proscrits. Depuis, l’artiste n’a pas pu se produire sur scène. En attendant la reprise des concerts, Alain a travaillé de nouveaux concertos. Il a lancé un disque, Opus 7 – Préludes, en février 2021.
En sol européen, c’est la guerre. Comme la Russie bombarde l’Ukraine, comment vit-il la situation ?
« Ça arrive au pire moment. On n’avait pas besoin de ça ! Et, comme au début de la pandémie, plusieurs ont dit : “C’est loin de chez nous.” Mais on ne peut plus dire ça, parce qu’on réalise que le monde est petit. Aujourd’hui, je sors peu, je travaille et je réalise que le peu de gens que je vois sont perturbés par cette histoire, parce qu’ils ne peuvent plus se dire que c’est loin de chez eux. Il suffit d’une étincelle pour que ça dégénère. »
POURQUOI TANT DE HAINE ?!
Il déplore également la violence qu’il y a depuis quelque temps sur internet.
« Les réseaux sociaux sont témoins d’une agressivité générale : le niveau de haine, la méchanceté et les jugements gratuits sont aberrants. J’ai l’impression que c’est le rendez-vous de la haine. »
Alain est parfois attristé en regardant la polarisation et la division du moment.
« J’ai été interpellé par l’affaire concernant Guillaume Lemay-Thivierge, que je ne connais pas personnellement. Il a été jugé, condamné et exécuté sur la place publique en quelques jours. J’ai trouvé ça sincèrement honteux. J’ai eu du chagrin pour lui », admet-il.
PARLER AUX GENS
Alain Lefèvre s’amène ici avec beaucoup d’émotion.
« Cette tournée au Québec sera très émouvante pour moi... Je n’ai jamais fait des concerts pour faire des concerts et je n’ai jamais été pianiste pour être pianiste. Mon métier, bien au-delà du piano, est d’apporter un peu de paix et d’amour. »
Mis à part pour le concert symphonique à Montréal, où Alain fera preuve d’un peu plus de décorum, pour le reste de la tournée, il entend bien parler aux gens venus l’entendre.
« Je m’adresse à mon public depuis 25, 30 ans et c’est sûr que je vais le faire dans cette tournée. Je vais parler aux gens. Mais je me demande ce que je vais leur dire, parce que je ne peux pas leur parler de la pandémie ou de la guerre. Et je ne pourrai pas non plus faire comme si tout va bien, que c’est hop la vie ! Alors j’y pense beaucoup. Je travaille mon piano et je songe à la responsabilité que j’aurai quand je serai sur scène à faire en sorte que les gens qui écoutent mon concert puissent avoir l’impression de vivre un moment de réconfort. »
Oui, cette tournée sera particulière pour le pianiste. Le public lui manque en ces temps difficiles.
« Quand je serai sur scène, je vais probablement pleurer. Une énorme douleur va sortir. »
UN BON GROS SMOKED MEAT
Après ce passage en sol québécois, il lui faut retourner en Europe pour d’autres prestations. Mais durant les quelques semaines où il sera ici, il entend bien joindre l’utile à l’agréable.
« Il y a des niaiseries que je veux faire, lance-t-il. J’ai une obsession, c’est de manger un smoked meat équivalent à la grosseur d’un boeuf ! » Il rit.
« Les gens savent comment j’aime le Québec. » La culture d’ici, qu’il trouve large et variée, lui manque. « C’est autant La petite vie que Pierre Falardeau et André Mathieu. Le Québec est riche. »
Alain est branché tous les jours sur ce qui se passe au Québec pendant son absence.
« C’est plus fort que moi. Je suis inquiet, je regarde tout. »
Le plus récent album d’Alain Lefèvre, Opus 7 – Préludes ,a été lancé en février 2021 par Warner Classics.