Le Journal de Montreal - Weekend

LE CHEMIN DE LA GUÉRISON

- SAMUEL PRADIER

Pendant plus de 30 ans, Sylvain Simard a été un alcoolique épisodique, il alternait les cycles de quelques jours de surconsomm­ation et ensuite de pause, avant de recommence­r. Dans le déni, malgré les avertissem­ents de ses proches, il a mis du temps avant de prendre la décision de mettre un terme à cette spirale infernale.

La dérive alcoolique de Sylvain Simard a coïncidé avec son arrivée au Cégep de Jonquière, à l’âge de 17 ans.

« J’avais pris quelques bières en cachette auparavant, mais mon père ayant eu des problèmes de consommati­on par le passé nous empêchait de boire. Il n’y avait pas d’alcool à la maison. »

Il n’a ressenti que les effets positifs de sa première brosse, ce qui lui a donné envie de continuer.

« Il y a plusieurs niveaux d’alcoolisme et je suis un alcoolique épisodique. Je surconsomm­ais quelques jours, et j’arrêtais ensuite quelques jours. J’étais capable de prendre des pauses, mais j’étais incapable de ne prendre qu’un seul verre. Dès que je recommença­is, ça dérapait inévitable­ment. »

LE DÉNI

Étonnammen­t, Sylvain avait aussi déployé une stratégie pour que sa maladie ne soit pas connue de son entourage

profession­nel ou même de certaines relations.

« Je consommais aussi en cachette. Lorsque je sentais que je dérapais, je quittais l’endroit public où j’étais et je rentrais à la maison. C’est ma famille qui voyait les dégâts lorsque j’étais complèteme­nt détruit. »

La principale difficulté des gens qui consomment, c’est l’incapacité de reconnaîtr­e leur problème.

« Au bout de quelques années, mes proches ont commencé à me dire que j’avais un problème de surconsomm­ation, analyse Sylvain. Mais j’étais dans le déni. Je me disais que je travaillai­s fort et que j’avais le droit d’avoir du fun. J’arrêtais parfois quelque temps, mais je ne le faisais pas pour moi, je le faisais pour les autres. »

LE DÉCLIC

Dans sa tête, Sylvain était déjà sur le chemin de la guérison, même s’il consommait encore. Plusieurs événements difficiles, dont un concernant sa fille, l’ont amené à cette fameuse soirée du 5 juillet 2018 où il a décidé d’arrêter de consommer complèteme­nt.

« Ce soir-là, j’ai menti à ma famille qui pensait que j’avais arrêté. Je suis allé dans un restaurant où j’ai surconsomm­é très tôt dans la soirée. La directrice de l’établissem­ent m’a interdit de prendre mon véhicule et m’a appelé un taxi pour rentrer chez moi. »

Ce qu’elle ignorait, c’est que Sylvain avait une seconde voiture.

« Arrivé chez nous, j’ai pris mon autre véhicule complèteme­nt saoul, et je suis retourné au restaurant pour finir ma soirée et continuer à consommer. Quand elle m’a vu revenir, elle s’est souvenue que mon ami Étienne Boulay lui avait demandé de l’appeler si elle me voyait en dérape. C’est ce qu’elle a fait. »

Étienne Boulay, dont il est le gérant, est venu le chercher et, dans la voiture, lui a demandé s’il pensait que ce serait le bon moment pour entrer en thérapie. Le lendemain, Sylvain Simard entrait en cure fermée à la Maison Jean Lapointe.

UNE LUTTE CONSTANTE

« L’alcoolisme est une maladie incurable qui va me suivre toute ma vie, reconnaît celui qui est sobre depuis presque quatre ans. On nous dit en thérapie que 75 % des gens rechutent en sortant. Il faut donc faire un travail sur soi, identifier et s’occuper de ses problèmes, et les gérer une journée à la fois. »

Selon lui, la dépendance, que ce soit à l’alcool ou à la drogue, est avant tout une maladie mentale.

« Si on consomme, c’est d’abord pour éviter de gérer ses problèmes. Quand on arrête de consommer, il faut s’en occuper pour ne pas retourner en arrière. Mais l’affaire la plus difficile, c’est d’accepter la maladie. C’est de la honte, tu as peur du jugement, mais c’est nécessaire pour passer à l’étape suivante. »

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ALCOOLISME
LE DIABLE SUR MON ÉPAULE Sylvain Simard Performanc­e Édition 200 pages ALCOOLISME

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