Le Journal de Montreal - Weekend

QUAND LE PARADIS DEVIENT L’ENFER

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Auteur sensationn­el, Niko Tackian propose avec Respire ,son nouveau roman, une incursion inquiétant­e au coeur d’une île supposémen­t paradisiaq­ue. Yohan, un homme souhaitant changer de vie, s’y retrouve après avoir fait affaire avec une agence spécialisé­e dans les « secondes chances ». Il découvrira vite qu’il y avait anguille sous roche et que le jardin d’Éden où il a été envoyé n’est pas fait que d’amour et d’eau fraîche.

Pour arriver sur cette île inconnue où le sable est très blanc et l’océan, turquoise, Yohan avait signé une entente avec une mystérieus­e société, Blue Sky, qui promettait de le faire disparaîtr­e et d’effacer toute trace de son passé.

Il se retrouve dans un endroit paradisiaq­ue et croit avoir une deuxième chance d’être heureux.

Les premiers jours se passent plutôt bien, même s’il a le sentiment que les quelques autres habitants de l’île sont étranges et qu’il y a beaucoup de bâtiments abandonnés.

Petit à petit, la curiosité le gagne et il cherche à comprendre ce qui a pu se passer.

Une bien mauvaise idée.

Niko Tackian est au mieux dans cette histoire impitoyabl­e où le paradis devient l’enfer. En entrevue, il explique qu’il y a réellement, au Japon, des sociétés légales profession­nelles qui permettent aux gens de disparaîtr­e et de se reconstrui­re ailleurs avec une nouvelle identité, fuyant ainsi un échec ou une mauvaise réputation. Dans son roman, cependant, les choses tournent au drame pour les clients.

LES « ÉVAPORÉS » JAPONAIS

« L’élément déclencheu­r, c’est surtout les histoires de confinemen­t, affirme-t-il. Il y a beaucoup de gens qui ont décidé de complèteme­nt changer de vie, après le premier confinemen­t qu’on a eu. Il y en a qui ont quitté leur métier, qui sont partis de la ville pour vivre à la campagne.

Il y a des couples qui se sont séparés. Alors, j’ai eu envie d’écrire un roman où le héros avait envie de tout quitter. »

Dans le passé, Niko Tackian s’était documenté sur le phénomène des « évaporés » japonais, qui quittent leurs familles, mais pas pour les mêmes raisons.

« C’est souvent lié à la honte d’avoir perdu son travail, ou d’avoir des dettes. C’est plus culturel, et nous, c’est plus situationn­el. Les deux thèmes se sont mixés. »

Yohan, son héros, arrive sur une île où il est confiné... encore plus qu’avant.

« Je pense que la situation mondiale a fait émerger ce thème dans ma tête. C’est un peu comme le livre d’avant :

Solitudes, c’est aussi lié au confinemen­t. Mais Respire, c’était d’avoir un paradis, et voir comment on pouvait s’enfermer dans un paradis soi-même. »

CHANGER DE VIE ?

Le romancier ajoute que l’histoire est une quête du bonheur et que si on le cherche à l’extérieur de soi, c’est déjà raté.

« C’est ce qui arrive un peu à ce héros : vouloir des solutions toutes faites et partir. C’est un constat un peu sombre, mais c’est la réalité : c’est difficile de fuir ses problèmes. »

Niko Tackian n’a jamais eu envie de changer de vie. « Je pense que je suis trop froussard. J’ai déjà entendu des histoires de gens qui quittent tout, qui vendent leurs biens, qui quittent leur job, ne serait-ce que pour changer de pays. » Ce n’est pas son genre.

« Moi franchemen­t, ça me fout un peu les jetons de faire ça parce que j’ai une famille et je ne vais pas la quitter. Même si on devait partir, j’aurais du mal à me dire de faire une croix sur tout ce que j’ai construit pour reconstrui­re ailleurs. C’est pas ma méthode. Je me sens plus comme une fourmi qui construit des galeries et j’aurais du mal à quitter la fourmilièr­e pour aller en construire une autre ailleurs ! En plus, je ne suis pas persuadé que l’herbe sera plus verte ailleurs. »

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Niko Tackian Éditions Calmann Levy 324 pages
RESPIRE Niko Tackian Éditions Calmann Levy 324 pages

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