Le Journal de Montreal - Weekend
L’AMOUR AU 21e SIÈCLE
On n’associe pas naturellement le cinéma de Jacques Audiard à la comédie. D’où notre surprise de voir le réalisateur de Dheepan et Un prophète revisiter les codes de la comédie romantique dans son nouveau film, Les Olympiades. « J’avais envie de me lever le matin en me disant : tiens, je vais faire une comédie aujourd’hui », explique simplement le cinéaste français.
Adapté de la série de bandes dessinées Les intrus, d’Adrian Tomine, Les Olympiades relate les chassés-croisés amoureux entre trois filles et un garçon, dans le 13e arrondissement de Paris.
Dans un entretien accordé par visioconférence la semaine dernière, Jacques Audiard a indiqué qu’il avait découvert par hasard les livres de Tomine il y a quelques années, peu de temps après avoir terminé le tournage (très complexe) de son film précédent, le western anglophone Les frères Sisters.
« Il y a quelque chose de littéraire et de cinématographique qui m’a tout de suite plu dans ces récits graphiques, confie Audiard. J’aimais aussi le fait
qu’ils proposaient des personnages auxquels je n’aurais jamais pensé. Ç’a suscité mon imagination. Et après l’expérience de tournage des Frères Sisters, qui était une grosse machine, j’ai eu envie de faire un film totalement à l’opposé, qui pourrait ressembler à un genre de premier film ».
Tourné en noir et blanc, le long métrage nous fait découvrir un Paris méconnu, celui des Olympiades, quartier très cosmopolite du 13e arrondissement concentré autour de tours et d’immeubles résidentiels. C’est là que vivent les personnages d’Émilie (Lucie Zhang), Camille (Makita Samba), Nora (Noémie Merlant) et Amber (Jehnny Beth), des trentenaires aux prises avec des problèmes amoureux et existentiels.
« Ce qui m’intéressait dans ces personnages-ci, c’est qu’ils sont jeunes tout en ayant déjà une bonne expérience de la vie », explique le réalisateur de 69 ans.
« Ils sont diplômés, ils viennent d’une classe bourgeoise, et ils refusent, d’une certaine façon, de s’installer et de répondre à des injonctions. Ce sont des personnages qui se trompent sur eux-mêmes et qui se racontent des histoires. Émilie n’est pas la petite punk de l’amour qu’elle croit être, Camille n’est pas le dandy qu’il aimerait être et Nora se trompe complètement sur son orientation sexuelle. Je vois le film comme un conte moral. »
NOUVEAUX CODES
La quête amoureuse se retrouve évidemment au centre des questionnements des quatre jeunes trentenaires des Olympiades. En s’inspirant d’Éric Rohmer, une référence dans l’art de filmer le discours amoureux, Audiard s’est attardé aux nouveaux codes de l’amour et de la séduction, à l’ère de Tinder et des réseaux sociaux.
« Avant, il fallait séduire avant de coucher avec quelqu’un, et la séduction passait par la parole, l’esprit et l’expression de soi-même, observe le cinéaste. Aujourd’hui, le paradigme est inversé. On couche le premier soir, et après, on voit si on veut continuer à coucher ensemble pour décider ensuite s’il y a la possibilité d’un discours amoureux dans cette relation. Le paradoxe là-dedans, c’est que les deux personnages qui ont le plus grand rapport amoureux dans le film, ce sont les deux femmes qui échangent à travers un écran d’ordinateur. »
C’est la première fois que Jacques Audiard expérimente l’esthétique noir et blanc dans un de ses films. Selon lui, ce choix s’imposait cette fois-ci afin de distinguer le décor des Olympiades au Paris des cartes postales.
« J’ai voulu filmer Paris comme si c’était ailleurs, explique-t-il. Je vis à Paris, et j’aime ma ville. Mais ce que je vois de Paris, ce n’est pas ce que les autres voient, et c’est normal. Je suis usé par le caractère romantique de Paris. Il faut le réinventer. »
Les Olympiades, à l’affiche le 15 avril