Le Journal de Montreal - Weekend
SECRETS DE LIEUX DE TOURNAGE
Maillon essentiel à l’élaboration d’une production, le directeur de lieux de tournage s’active sur plusieurs plans. Il est un des premiers consultés dès l’écriture des textes, et l’un des derniers à fermer le plateau.
« Notre travail commence souvent en amont, confirme la directrice de lieux de tournage Aïcha Raïhani. Il arrive qu’on nous demande de faire une prérecherche pour vendre la ville de Montréal par exemple quand il y a une compétition pour un tournage américain. J’ai déjà recréé la Syrie dans le Vieux-Montréal ! Les lieux et l’accès à ceux-ci peuvent pencher dans la balance. On discute aussi rapidement avec le réalisateur. Il arrive qu’un lieu force une réécriture ou change une perspective. Certains lieux sont chargés et ont une grande importance dans l’histoire. » Certains en deviennent même un personnage.
« C’est un travail d’équipe, renchérit
Mélanie Lessard qui est elle aussi directrice de lieux de tournage. C’est un métier qui touche tellement de facettes. Il y a la recherche terrain, mais aussi les négociations avec les villes et les propriétaires. Et toute l’organisation du terrain. »
Parce qu’au-delà des lieux que nous voyons à l’écran, il relève du directeur de lieux de tournage de trouver les aires d’appuis où les véhicules pourront être stationnés, tout comme l’espace pour le lunch ou pour les loges. Il y a aussi le lien avec le voisinage. Une étape impérative pour que tout le monde soit heureux, comme le rappelle Mélanie Lessard.
« Il arrive qu’un électro demande qu’il y ait un balcon sur une maison adjacente ou qu’on puisse utiliser un toit pour monter l’éclairage, cite Aïcha. »
Sans compter la remise en état des lieux une fois la caméra fermée.
LA RURALITÉ
L’action de la série Le temps des framboises se situe sur une ferme. Il fallait donc sortir de la ville et courtiser les espaces agricoles.
« C’était difficile parce que pendant la pandémie, tout le monde voulait devenir fermier. Il n’y avait pas beaucoup de disponibilité. C’est beaucoup de démarches en trois semaines pour peu de réponses, se souvient Aïcha. »
C’est dans le canton de Havelock que la famille d’Élisabeth a trouvé demeure.
« Pour la première fois de ma carrière, on m’a demandé d’acheter une maison. Le producteur était prêt à prendre ce risque. Cette maison est un personnage. Elle est la convoitise de toute la famille. On y tournait pendant un mois. Comme la famille est anglophone, je savais que dans le coin d’Hemmingford et Franklin, près de la frontière, on trouverait quelque chose de typique avec des briques. On a complètement transformé l’intérieur, enlevé des murs. La maison des travailleurs a été bâtie tout près. Mais on ne voulait pas de terre parce qu’il aurait fallu gérer ça sur le long terme. » Alors que pour l’histoire, il fallait des champs à cultiver au fil de la saison.
C’est à Oka qu’Aïcha a fait une belle découverte.
« Une femme formidable. Une collaboration comme celle-là est précieuse. Tourner avec la nature ajoute une difficulté. On ne veut pas entraver la production de la ferme avec le tournage. En même temps, on devait tourner au rythme des récoltes. Cette femme exceptionnelle a pris en compte notre horaire. Elle a planté des produits en amont. Pour la scène des oignons, c’est elle qui les avait plantés où il fallait. »
Aïcha et son équipe ont créé en quelque sorte un nouveau village.
« On a beaucoup triché ! C’est un village inventé. On a beaucoup tourné à Varennes dans les petites rues typiques. On a trouvé une unité pour que ce soit crédible que le personnage d’Emilio fasse toutes les distances à vélo. Outre la recherche de lieux, les rapports humains sont très importants dans notre travail. Même après 20 ans, je suis toujours touchée de rentrer chez les gens, dans leurs choses, et qu’ils me fassent confiance. Me confient leurs clés. »
L’ÉPOQUE
Tourner une deuxième saison peut avoir ses avantages, mais ses contraintes aussi. Quand Mélanie Lessard a repris le flambeau de
C’est comme ça que je t’aime, elle a dû jongler avec la perte de certains lieux phares de la série.
« Il s’est écoulé deux ans entre les deux saisons et nous avons perdu la maison de Serge et Micheline qui a été vendue. Le nouveau propriétaire avait entrepris des travaux, il fallait donc trouver une maison avec la même façade, dans un rond-point, avec une cuisine non rénovée de la même configuration de celle de la première saison. On a dû en visiter une cinquantaine ! Et pour le sous-sol, c’est celui d’une autre maison. On avait besoin d’une piscine hors terre, qu’on a posée. On a recréé une maison avec plusieurs lieux, explique la directrice de lieux de tournage. »
Rappelons que la série se déroule à Sainte-Foy dans les années 70.
« On a distribué beaucoup de lettres de sollicitation. Souvent, on se fie aux fenêtres si elles sont d’époque. On a environ un 10 % de retour de gens qui acceptent de nous rencontrer. On espère avoir la chance de tomber sur des armoires d’origine en bois. Faire de l’époque, c’est une recherche de fond, précise Mélanie. Pour la saison 2, l’équipe s’est beaucoup promenée. Si dans l’histoire les deux maisons des couples étaient voisines, dans la réalité elles étaient dans deux villes différentes. »
Les tournages ont eu lieu à Terrebonne, Laval, Montréal, Beloeil.
« On a été chanceux, nous avons pu utiliser l’hôtel Omni pour plusieurs lieux. On y a tourné le bureau du premier ministre et l’appartement Grazia. Le motel La Demoiselle a été démoli. Nous avons dû en retrouver un autre. Le champ de maïs a aussi été un défi, poursuit-elle. On a passé notre été à suivre son évolution, à le mesurer. Faire une deuxième saison est plus difficile qu’une première parce qu’on doit rester dans la continuité. Faire de l’époque est plus difficile que du contemporain. Pour nous, trouver une maison d’époque qui a encore sa peinture et sa tapisserie des années 70, c’est un petit bijou ! »
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