Le Journal de Montreal - Weekend
UNE TRAQUE HALETANTE
Andrée A. Michaud nous tient puissamment en haleine avec Proies, où se mêlent la traque d’innocents et celle d’un coupable.
Voici un roman incontournable pour l’été qui vient. Pourtant, il ne faut pas lire Proies en camping sauvage ou au coeur d’une forêt. Ni dans un chalet isolé. Pas davantage un sombre soir de grand vent.
Mais on ne peut non plus le lire quand on a seulement quelques minutes à sa disposition, parce qu’une fois ouvert, le laisser de côté relève de l’exploit ! Le seul moyen de reprendre son souffle, c’est de se rendre au bout d’un seul coup.
Andrée A. Michaud nous refait donc le coup de maître qui a valu à ses thrillers précédents d’être primés : Mirror Lake, Tempêtes, Bondrée… Il y a d’ailleurs des allusions à celui-ci dans Proies et une manière semblable de nous prévenir à l’avance que ça finira mal. Très mal.
N’empêche, et c’est là le grand talent de l’auteure, même la conclusion annoncée n’empêche pas le suspense : tout à coup que le destin déjouerait la romancière ! Car il est tellement horrible de faire subir une traque dans les bois à trois ados de 16 ans…
Jude, Abe et Alex étaient simplement partis camper aux abords de la rivière Brûlée, « un lieu qui inspirait la confiance et où on ne s’imaginait pas que le mal puisse s’inviter ». Les parents sont malgré tout un brin inquiets – leurs jeunes sauront-ils se débrouiller ? Mais il faut bien en revenir, n’est-ce pas, de jouer à la mère poule ?
Sauf qu’il y a des intuitions qui ne trompent pas, surtout quand le mal porte le nom d’un gars de la place, fin connaisseur des bois, dépourvu d’empathie et bien pourvu en cruauté. Il n’est jamais bon de croiser le chemin de Gerry Nantel, encore moins quand il tient une carabine. Comment échapper à un tel exalté quand il vous prend en chasse ?
TOUTES LES PEURS RASSEMBLÉES
Bien loin des angoisses du trio, la localité de Rivière-Brûlée se prépare à sa fête estivale annuelle. Jusqu’à ce que surgisse le père de Jude, affolé. Il devait récupérer les trois amis une fois leurs quelques jours de camping complétés, mais il a trouvé le campement abandonné… et pire encore.
Que s’est-il passé ? Les parents, les policiers, les gens du coin voudront savoir, et ceux qui connaissent Gerry se demanderont si par hasard, il n’aurait pas quelque chose à voir avec ces disparitions… Mais que valent des soupçons ?
On passe ainsi à travers toutes les peurs : de mourir, de ne pas trouver, d’en savoir trop ou pas assez. Chaque personnage a les siennes et on les ressent profondément, comme si soi-même on essayait de se cacher derrière un talus ou espérait le retour d’un fils au-delà de toute raison.
Andrée A. Michaud sait si bien décrire les états d’âme et les pièges de la nature que les ambiances qu’elle crée font frémir ou brisent le coeur. On en sort secoués. Donc ravis !