Le Journal de Montreal - Weekend
UN PREMIER OPUS CRÉÉ DANS LES DÉSACCORDS
Dès leurs débuts, les Eagles se sont retrouvés rapidement plongés dans les prises de tête et les désaccords. Des situations conflictuelles qui animeront la célèbre formation tout au long de sa fructueuse carrière et qui seront présentes lors de la création de leur premier opus qui fêtera, mercredi, ses 50 ans.
Lors de l’enregistrement de cet album intitulé Eagles, le guitariste Glenn Frey voulait un son plus rock. Bernie Leadon, l’autre guitariste, voulait des sonorités plus country.
Il y a aussi eu des différends entre Frey, le batteur Don Henley et le réalisateur Glyn Johns, désirait, lui aussi, mettre l’accent sur le côté country des Eagles.
Le réalisateur n’avait pas du tout été impressionné, lorsqu’il avait vu le quatuor dans un bar de Boulder au Colorado en décembre 1971.
David Geffen, cofondateur de la nouvelle étiquette Asylum Records, avait envoyé les quatre musiciens à Aspen au Colorado en 1971 afin qu’ils puissent devenir un véritable groupe.
Frey, Henley et Leadon faisaient partie de la formation qui accompagnait la chanteuse Linda Ronstadt. Le bassiste Randy Meisner s’était joint à ce groupe de tournée pour un spectacle.
Geffen aimait le travail de Glyn Johns avec les Stones, les Who et Led Zeppelin et il l’avait approché pour réaliser le premier album des Eagles. Peu impressionné par ce qu’il avait vu sur les planches, il avait refusé.
HARMONIES VOCALES
David Geffen a réussi à convaincre Johns de leur donner une seconde chance et d’aller les voir répéter à Los Angeles. Le réalisateur n’était pas plus intéressé. Jusqu’à ce que les harmonies vocales de la ballade Take the Devil résonnent dans ses oreilles. Il change d’idée et accepte de réaliser le premier album du quatuor.
« Il y avait ce son. Un mélange extraordinaire de voix et des harmonies incroyables. C’était superbe », raconte-t-il dans le documentaire History of the Eagles.
L’album a été enregistré en deux semaines, pour 125 000 $, aux studios Olympic à Londres.
En plus des harmonies vocales, les quatre membres de la formation se partagent, vocalement, les dix chansons de ce « vinyle » totalisant 37 minutes.
Lancé le 1er mai 1972, un mois avant la parution de l’album, le simple Take it Easy, écrit par Glenn Frey et Jackson Browne, atteint la 12e position du palmarès Billboard Hot 100.
Dans les boutiques de disques, le 1er juin 1972, l’opus connaîtra un succès instantané. L’album grimpe jusqu’à la 22e position du palmarès Billboard 200 et il atteindra la 13e place au Canada.
Les simples Witchy Woman (9e position) et Peaceful Easy Feeling (22e position) suivront en août et en décembre 1971.
TROP DE CHEFS
Eagles est classé au 207e rang du palmarès révisé des 500 meilleurs albums de tous les temps du magazine Rolling Stone.
Au-delà des désaccords et d’un réalisateur qui voulait mettre l’emphase sur les sonorités country, Glenn Frey, a admis, en 1975, dans une entrevue publiée dans le magazine Rolling Stone, qu’il avait eu raison.
« Glyn Johns a été la clé de notre succès et de plusieurs façons. On ne voulait juste pas faire un autre album de country rock mollasson de Los Angeles », a-t-il fait savoir dans les pages du magazine américain.
En juin 2016, Don Henley a raconté, dans cette même publication, qu’il était conscient, dès les premiers pas de la formation, que l’envolée n’allait pas se faire en douceur.
« Les membres du groupe avaient des forces et des faiblesses et n’étaient pas toujours très objectifs à ce sujet. Il y avait des divergences d’opinions sur la direction musicale. La variété et le contraste sont de bons éléments lorsque c’est quelque chose de bien canalisé. On pouvait voir qu’on allait avoir, à un moment donné, des problèmes avec la répartition des tâches. Il y avait trop de chefs et pas assez d’Indiens », a-t-il laissé tomber.
Ce qui n’a pas empêché les Eagles, qui sont toujours actifs, après quelques changements d’effectifs, de vendre 200 millions d’albums.