Le Journal de Montreal - Weekend

POURQUOI SOMMES-NOUS SI IMPRESSION­NÉS PAR LE STATUT ET L’IMAGE

- DR FRANÇOIS RICHER

L’aura du statut et de la notoriété est un effet normal de la vie en société, mais c’est aussi un leurre et on a intérêt à la remettre en question, à diversifie­r nos influences et à écouter les voix moins fortes.

Parfois, les humains sont un peu comme des chevreuils figés par les phares de voitures. Nous sommes facilement impression­nés par les beaux habits, les uniformes et les marques prestigieu­ses. Tous ces symboles de statut ou d’autorité inspirent le respect qu’ils le méritent ou pas. En plus, ils ont tendance à nous faire suspendre notre sens critique et notre méfiance.

À divers degrés, on a aussi tendance à être impression­nés par les personnes qui ont une notoriété (célébrités, personnali­tés publiques) ou une expertise reconnue. Ils ont généraleme­nt l’air confiants et nos intuitions nous poussent à leur attribuer une certaine autorité même quand leurs raisonneme­nts sont plutôt simplistes.

L’autorité ou le statut que l’on confère à certaines personnes est un biais positif, un pouvoir attribué intuitivem­ent à quelqu’un en fonction d’un rôle social (dirigeant, juge…), d’une réputation ou d’un sentiment d’admiration (auteur, artiste, influenceu­r…).

On respecte, on admire et on s’attache aux personnali­tés, soit parce qu’elles nous apportent quelque chose (sécurité, leadership, inspiratio­n, bonheur) à travers leurs contributi­ons, soit parce qu’on suit l’exemple de ceux qui les respectent.

L’instinct de respect et d’admiration pour ceux qui se démarquent est hérité de nos lointains ancêtres et a été façonné par notre culture.

Le statut attire l’attention. Les personnes influentes sont rapidement détectées dans les groupes à cause de leur notoriété. Elles évoquent une certaine attraction et on a l’impression que l’on tirerait profit à les écouter ou à les suivre. On a tendance à surestimer leurs qualités et à surévaluer leurs opinions.

Le statut confère une réserve de crédibilit­é. Pour les leaders, la crédibilit­é sert à rallier les troupes, à former des consensus et à faire des choix difficiles. Pour les personnali­tés publiques, la crédibilit­é leur apporte du soutien et de l’ambition pour continuer à contribuer.

TROP DE POUVOIR AUX UNS ET PAS ASSEZ AUX AUTRES

Bien qu’elle ait une certaine utilité, notre attraction pour le statut a plusieurs défauts. D’abord, on donne souvent notre confiance trop complèteme­nt, trop vite ou trop longtemps aux gens qui ont un statut.

En plus, certaines personnes oublient que le statut est un cadeau à apprécier, un crédit donné par le groupe. Le statut est souvent une drogue. Quand on y a goûté, on ne veut pas en manquer, ce qui peut augmenter notre insécurité.

Certains peuvent vouloir compenser leur insécurité en affichant leur pouvoir (devenir prétentieu­x ou arrogant) ou en abusant de leur pouvoir (intimider, agresser).

Quand on attribue un statut spécial à des personnes, on souligne des différence­s hiérarchiq­ues. Il y a ceux qu’on écoute plus, mais il y a aussi ceux qui sont moins considérés à cause de leur manque de statut social (parias sociaux, exclus…), à cause de leur style trop dérangeant ou encore à cause d’un manque d’accès aux réseaux qui alimentent la notoriété.

REMETTRE EN QUESTION NOTRE ADMIRATION ET MIEUX LA DISTRIBUER

Les personnes qui ont perdu de l’empathie ou de la compassion à cause de leur statut peuvent souvent être ramenées sur terre par des proches, par des expérience­s négatives ou par des formations profession­nelles.

Pour le reste d’entre nous, il faut surtout se rappeler de distribuer notre admiration avec modération et d’essayer de ne pas trop suivre la foule en délire. Notre admiration est une richesse dont on peut faire profiter un grand nombre de personnes dont la notoriété n’est pas encore très grande, mais qui ont un grand potentiel.

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