Le Journal de Montreal - Weekend
Comment ces mystérieux objets vieux de 250 ans ont atterri chez nous
De mystérieux objets décoratifs d’inspiration orientale fabriqués en France il y a quelque 250 ans peuvent être observés dans un musée du Québec, ces jours-ci. Comment ces étranges ornements dont l’invention remonte à l’époque romaine et qui faisaient la fierté des nobles au temps de Louis XV se sont-ils retrouvés chez nous ?
Ces objets, que l’on nomme « chenets », servaient à soutenir les bûches de l’âtre dans les demeures des riches et puissants, à l’époque de ce souverain français et de sa célèbre maîtresse, Madame de Pompadour.
Clarifions d’abord une chose : même un oeil bien exercé aurait de la difficulté à discerner les éléments réellement « orientaux » sur ces fameux chenets.
Est-ce le perroquet tenu par la dame, le bonnet, le kimono ou encore les longues moustaches de l’homme ? Cela peut sembler bien mince, voire stéréotypé…
Pourtant, ces éléments distinctifs en disent beaucoup sur la manière dont les Occidentaux concevaient l’Orient à l’époque, car ces chenets n’ont pas été fabriqués en Chine, mais bien en France.
L’ORIENT À LA FRANÇAISE
Dès le XVIe siècle, les précieuses porcelaines, les tables laquées ou les délicates ombrelles ramenées d’Orient enchantent la cour et inspirent de nombreux artistes européens.
En 1670, Louis XIV fait même construire l’éphémère Trianon de porcelaine pour sa maîtresse Madame de Montespan, meublé et décoré à la chinoise.
Mais c’est sous le règne de son arrière-petit-fils, Louis XV, que cet art décoratif atteint son apogée en France.
À l’époque, nul besoin d’aller en Asie pour concevoir l’une de ces oeuvres. Il suffit de s’inspirer librement des descriptions données par les explorateurs européens comme Marco Polo.
Il en résulte un mélange pour le moins hétéroclite d’éléments chinois, japonais et parfois même perses.
AU QUÉBEC DEPUIS LES ANNÉES 1970
Selon la conservatrice du Musée McCord Stewart, à Montréal, Mme Guislaine Lemay – où l’on peut observer des chenets ces jours-ci –, il est fort possible que les ornements en bronze doré qui ont été depuis ramenés à Montréal aient été conçus entre 1750 et 1755 par nul autre que Jacques Caffiéri, le bronzier officiel de Louis XV.
Ce modèle précis a été créé pour la favorite du roi, la marquise de Pompadour, pour ses appartements au château de Bellevue. La mode est lancée : les nobles font l’acquisition de copies de ces chenets qui deviennent l’ornement des foyers de la haute société française.
Plus de 200 ans plus tard, un certain David Stewart en déniche une paire chez un antiquaire lors de l’un de ses voyages en France dans les années 1970.
Et c’est ainsi que ces chenets à la chinoise se trouvent aujourd’hui dans les vastes collections du Musée McCord Stewart. Ils nous donnent une antique vision de l’exotisme qui, de nos jours, peut amuser, voire en choquer certains.
L’artiste en résidence au Musée McCord Stewart, Karen Tam, se questionne depuis plusieurs années sur la signification de ces « chinoiseries » et leur impact sur la construction de l’identité chinoise en Occident.
Dès le 17 février prochain, l’artiste propose une exposition immersive Avaler les montagnes où l’art d’hier et celui d’aujourd’hui se rencontrent.
Ouvert sur le monde, le Musée McCord Stewart célèbre la vie à Montréal, ses gens et ses communautés, d’hier et d’aujourd’hui. Ses impressionnantes collections rassemblent 200 000 objets et oeuvres d’art, 2 150 000 photographies, 3500 livres rares et 340 mètres linéaires d’archives textuelles.