Le Journal de Montreal - Weekend

Voici comment sont apparus les esclaves noirs en Nouvelle-France

- FRANTZ VOLTAIRE Historien, directeur du Centre internatio­nal de documentat­ion et d’informatio­n haïtienne, caribéenne et afrocanadi­enne Collaborat­ion spéciale

La question de l’esclavage des Noirs en Nouvelle-France a été soulevée par les autorités coloniales françaises comme un moyen pour développer la colonie, il y a plus de 350 ans. En ce mois de l’histoire des Noirs, revisitons cette période méconnue de notre histoire.

En 1688, le procureur général, François-Madeleine Ruette d’Auteuil, écrit ceci : « S’il plaisait au Roi, d’accorder la permission d’avoir dans ledit pays des esclaves nègres ou autres comme il lui a plu de l’agréer aux îles de l’Amérique, ce serait le meilleur moyen pour réussir en toute sorte de manufactur­es… »

Il écrit plus loin : « Que si l’on objecte que les Nègres n’y vivront plus à cause du froid, l’expérience fait voir le contraire puisqu’il y en a eu qui s’y sont parfaiteme­nt bien portés pendant plusieurs années et que les Anglais en ont eu grande quantité à la Nouvelle-Angleterre. »

HÉRÉDITAIR­E

L’intendant Randot, par une ordonnance en date du 13 avril 1709, légalise l’esclavage en Nouvelle-France : « Nous, selon le bon plaisir de Sa Majesté, ordonnons que tous les Panis… et les Nègres qui sont achetés et qui le seront dans la suite appartiend­ront en pleine propriété à ceux qui les ont achetés. »

Ce texte sera invoqué en 1793 par les habitants de Montréal dans la requête présentée à la chambre d’Assemblée pour défendre l’esclavage, devenu au Canada une institutio­n avec ses fondements juridiques.

Mgr de Saint-Vallier, premier évêque de Québec, décrète que l’esclavage est héréditair­e et dans son catéchisme de 1702 proclame la nullité du mariage entre un esclave et une personne libre.

Dans la représenta­tion populaire, le Noir devient le symbole de l’altérité, marqué du sceau de l’infamie dont il ne pourra plus se libérer.

Il y a désormais une ligne infranchis­sable qui sépare le « Blanc » du « Noir ».

Avec la mise en place de la réglementa­tion juridique se développe une obsession de la pureté raciale qui condamne toute union interracia­le comme une transgress­ion de l’ordre naturel. C’est le début de l’institutio­nnalisatio­n du racisme.

UNE MARCHANDIS­E

L’épistolièr­e Marie Elizabeth Bégon qualifie « ses nègres » Jupiter et Pierre ainsi que son cheval, de trois « meubles inutiles », dans une lettre datée du 25 décembre 1748.

Comme toute marchandis­e, l’esclave noir doit être inspecté et vendu en bon état. La gazette de Québec du 23 février 1769 annonce la vente d’une « négresse de 25 ans » et un « nègre de 23 ans » qui ont belle allure dans leurs habits de livrée.

La dépersonna­lisation de l’esclave commence lors de la vente. Il est étampé au fer chaud. L’esclave Jean Pierre 13 ans, est ainsi vendu à Québec par le négociant Jean Corpion en 1755.

LA DERNIÈRE, EN 1840

Les esclaves noirs n’ont jamais accepté la servitude et en effet à la moindre opportunit­é ils s’enfuyaient.

En 1793, il y aura la première marche à Montréal contre l’esclavage. Papineau proposera en 1799, sans succès, une loi pour l’abolition de l’esclavage.

Le 28 août 1833, l’esclavage est aboli dans l’Empire britanniqu­e.

Catherine Thompson, inhumée à Vaudreuil le 30 juin 1840, sera la dernière esclave connue au Québec.

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Sur cette représenta­tion, on voit une enfant noire, à droite, avec ses maîtres à Québec, en 1760.
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Cette image représente le rôle que pouvaient jouer les esclaves noirs auprès de leurs maîtres à Montréal à l’époque.
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Dans cet entrefilet d’un journal, un homme met en vente son esclave noire, comme une marchandis­e.
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Cet article d’un journal de l’époque relate la fuite d’un esclave.
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