Le Journal de Montreal - Weekend
AU FOND DES BOIS, AU FOND DE SOI
ROMANS D’ICI Une mère retrouve son fils, enchevêtré dans sa vie comme le sont les arbres dans la forêt. Ainsi se rencontrent matière brute et troublantes pensées.
Il y a un rythme quasi biblique dans Mon fils ne revint que sept jours. Le titre l’annonce et le déroulé du roman le scande.
Chaque chapitre s’ouvre de la même manière, en comptant les jours : « Le premier jour mon fils me confia », « Le quatrième jour je sortis l’[…]album photo », « Le cinquième jour Mathias avait disparu »…
Mais contrairement à la Bible, ce n’est pas à la création d’un monde à laquelle on assiste, plutôt à la déconstruction de Mathias, le fils de la narratrice.
Paradoxalement, ce retour du fils, parti depuis dix ans et soudainement de passage au chalet de sa mère, redonnera du souffle à celle-ci.
La semaine ne sera pourtant pas légère. Mathias a l’impression que son cerveau est sous l’emprise de champignons qui l’envahissent, comme un miroir de la nature qui entoure le duo.
On est en Mauricie, au milieu des bois, non loin d’une tourbière où mère et fils aimaient autrefois se rendre en promenade.
ÉCRIVAIN DE L’ORGANIQUE
Le roman raconte donc la forêt pendant que, parallèlement, Mathias raconte à sa mère ses années de rude errance à travers l’Amérique, jusqu’au Mexique. Les mêmes mots renvoient à ces deux mondes, soudainement apparentés.
Ses trois précédents ouvrages en témoignent, David Clerson est un écrivain de l’organique. Sous sa plume, l’étrangeté qu’il aime explorer a des odeurs, de la texture, une animalité qui nous sort du vernis de la civilisation.
On est à nouveau dans cette approche : « [I]l me dépeignait les paysages apocalyptiques dans lesquels il vivait désormais […] et je comprenais que pour lui la réalité prenait racine dans la pourriture », constate dès le premier jour la mère.
LA LUMIÈRE JAILLIT
Mais il y a de la lumière dans ce roman-ci. Redécouvrant son fils, s’identifiant à celui-ci, la mère comprend mieux les lettres qu’il lui faisait parvenir de manière erratique, sans que jamais elle n’ait d’adresse où lui répondre.
C’est aussi une occasion pour elle de faire le point sur sa vie familiale : un mari disparu, une fille trop conformiste, un gendre qu’elle n’aime pas, une soeur serviable, un chalet hérité de ses père et grandpère. Un fils aimé et néanmoins déroutant, dont elle avait reçu les lettres « d’abord avec hâte, puis avec appréhension, parfois même avec dégoût ».
Et il y a les petits-enfants qu’elle fréquente trop peu. Pourtant, ce sont eux qui tiennent le fil de la transmission.
En fin de parcours, Clerson nous fait donc finement passer de la semaine tout en appréhension que la narratrice vit avec Mathias aux quelques jours d’initiation à la forêt qu’elle finira par partager avec les jeunes Mathilde et Mathieu.
Le sombre roman alors s’éclaire, tout en restant collé à la matière. Car la nature est la plus forte.