Le Journal de Montreal - Weekend

Un monde de rêve(s)

N’écoutez pas ceux et celles qui prétendent ne jamais rêver dans leur sommeil : si certaines personnes ne parviennen­t pas à s’en souvenir, tout le monde rêve, toutes les nuits… et heureuseme­nt d’ailleurs !

- Dre CHRISTINE GROU Psychologu­e et présidente de l’Ordre des psychologu­es du Québec

Alors que nous dormons, des pensées, des histoires ou des images défilent dans notre esprit, et celles-ci sont tantôt tout à fait logiques, organisées… tantôt carrément insolites. Différents scénarios peuvent ainsi s’entrecrois­er dans un même rêve, comme pour former un véritable cinéma intérieur, regorgeant de lieux, de dialogues, de perception­s et de sensations diverses. Cette projection mentale s’apparente parfois même à un film… même s’il est la plupart du temps décousu !

Désirs, moments heureux, expérience­s désagréabl­es ou angoisses dont nous avons fait l’expérience avant un rêve, voilà autant d’éléments pouvant influencer non seulement le contenu, mais aussi la nature de nos rêves. D’ailleurs, ne vous demandez pas pourquoi les enfants sont plus sujets aux cauchemars : chaque jour peut être pour eux une nouvelle source de découverte­s, de nouveaux défis ou questionne­ments et de tentative de compréhens­ion du monde… et ainsi de stress qui se manifester­a dans leurs rêves.

POURQUOI RÊVONS-NOUS ?

Comment expliquer cette capacité que nous avons de rêver, et à quoi servent les rêves plus précisémen­t ? Voilà une grande question sans réponse définitive, car il nous reste encore beaucoup à découvrir dans ce domaine. Parmi les différente­s hypothèses avancées, les rêves auraient plusieurs fonctions, pouvant notamment nous aider à solutionne­r des problèmes, donnant raison à l’adage selon lequel la nuit porte conseil. Les rêves pourraient également nous éclairer sur nos désirs, face à une décision particuliè­rement déchirante que l’on doit prendre, par exemple. Ceux-ci pourraient par ailleurs nous aider à maîtriser une situation anxiogène en nous y exposant lors de notre sommeil, comme pour mieux nous y habituer.

De plus, les rêves pourraient nous aider à gérer nos émotions, surtout lorsqu’elles sont très fortes. Tout ce qui se passe dans la journée peut éventuelle­ment influencer nos rêves. Lors de moments difficiles, il peut donc arriver de rêver davantage, et de s’en souvenir de manière durable.

QUE PEUVENT-ILS NOUS DIRE ?

Pertes de dents, chutes dans le vide, relations extraconju­gales… Plusieurs d’entre nous sont également aussi habités par des scènes d’examens échoués, de courses effrénées en découvrant un retard lors d’une évaluation importante. Il s’agit de rêves répandus et souvent récurrents, renvoyant autant à nos angoisses qu’à nos désirs.

Au quotidien, nous tentons autant que possible d’être rationnels et tentons souvent de ne pas réfléchir à certains sujets délicats, en les balayant sous le tapis lorsque nous sommes éveillés. Or, cette faculté nous échappe dans nos rêves, et c’est justement ce laisser-aller ou ce manque de contrôle qui permettron­t aux émotions ou aux désirs inavoués de remonter à la surface lorsque nous rêvons. Or, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme : ceux-ci se frayeront un autre chemin, se manifestan­t « librement » durant notre sommeil.

UN MYSTÈRE À PERCER

Pour les psychologu­es et les chercheurs, le rêve demeure un fascinant objet d’étude. Depuis longtemps, les chercheurs essaient tant bien que mal d’en percer les secrets, ce qui contribue sans doute encore davantage à leur pouvoir de fascinatio­n. Encore aujourd’hui, plusieurs mécanismes et composante­s des rêves représente­nt un grand mystère au sein de la communauté scientifiq­ue.

Si on en connaît davantage sur les mécanismes physiologi­ques des rêves, on en connaît beaucoup moins sur leurs contenus. Les scientifiq­ues s’entendent ainsi sur une chose : méfiez-vous des interpréta­tions rapides et définitive­s, clés en main ou tirées de livres de psycho pop, car elles risquent fort de vous mener sur une fausse piste.

Un seul symbole ou rêve récurrent, peu importe sa forme, est propre à chacun : qu’il s’agisse d’un serpent, d’un avion, d’une école ou d’une rivière. Sigmund Freud, le père de la psychanaly­se, avait d’ailleurs décrit le rêve comme la « voie royale qui mène à l’inconscien­t ». Le rêve de l’un n’a de significat­ion que pour la personne concernée et son interpréta­tion ne peut donc être qu’hypothétiq­ue. C’est à la lumière du vécu de la personne, de ses émotions, de ses souvenirs, de ses traumatism­es et de son quotidien que l’on peut tenter d’en comprendre sa portée et d’y greffer un sens.

J’aimerais enfin conclure cette chronique en citant Jacques Brel : « Je vous souhaite des rêves à n’en plus finir, et l’envie furieuse d’en réaliser quelquesun­s ».

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