Le Journal de Montreal - Weekend

S’ESQUIVER, VOLONTAIRE­MENT OU PAS !

Comment te dire adieu, chantait autrefois Françoise Hardy sur des paroles de Serge Gainsbourg. Il suffit de s’éclipser en douce, répond bellement Marie-Sarah Bouchard avec Pas besoin de dire adieu.

- JOSÉE BOILEAU Collaborat­ion spéciale

Avec son premier ouvrage, MarieSarah Bouchard fait la démonstrat­ion que des adieux, ça se camoufle de plusieurs façons. Elle le décline en 12 nouvelles, bien différente­s les unes des autres. Une douleur cachée sous la quête de liberté en est néanmoins le trait commun.

Bouchard a le talent de nous faire ressentir en quelques mots la peine ou le malaise mis en scène. En une douzaine de pages chacun, ses récits vont à l’essentiel tout en marquant parfaiteme­nt le décor.

On retiendra ainsi la nouvelle « Je suis une coquille vide ». On y suit Simone, étudiante en arts visuels – une discipline où il vaut mieux se distinguer par sa singularit­é. Or Simone cherche tellement la sienne que pour épater ses condiscipl­es, elle finit par leur annoncer son départ pour l’étranger. La pression du groupe mène à de surprenant­es décisions !

La nouvelle « Les gentilles se font manger la laine sur le dos » exploite la même veine, dans le monde du travail cette fois. À nouveau, le décalage entre la liberté apparente des choix et les attentes réelles du milieu est bien posé.

La jeune femme au centre du récit a été embauchée par une agence de publicité. Elle en est étonnée tant ce milieu lui paraissait hors d’atteinte et étranger à sa personnali­té de fille gentille et loin des modes.

Mais peu à peu, elle se glisse dans le moule : de mieux en mieux vêtue, de plus en plus méprisante, et toujours prête à trinquer aux succès du bureau. L’ambition la gagne. De paragraphe en paragraphe, le parcours est clair : ça finira mal. Et c’est tout à fait crédible.

DES ADIEUX CHOISIS

À ces adieux qui dépassent les personnage­s s’ajoutent ceux qui sont sciemment choisis. Comme dans « Qu’est-ce que tu attends de moi », axée sur l’amour qu’on laisse passer, ou la jolie nouvelle « Il pensera à eux », centrée sur une amitié qui s’efface.

C’est aussi l’amitié qui caractéris­e la nouvelle « On ne laisse pas tomber un ami d’enfance », la plus cruelle du lot. En quelques scènes, avec subtilité, on comprend pourquoi Louis, son protagonis­te, a choisi de complèteme­nt s’isoler.

Il y a encore cette nouvelle, originale, où c’est l’adieu au sommeil qui se passe de mots. Mais pas des bons conseils donnés par tout un chacun ! Le titre les résume : « Par manque de rigueur ou de volonté ». Et le texte les livre en vrac, parfois sans ponctuatio­n. Le tout se conclut par un paradoxal et amusant « et avant de te coucher ne pense surtout pas à tout ça ».

Ironique, tendre ou triste, l’autrice sait en fait si bien rendre justice à toutes les situations qu’on ressent le besoin de lui dire bienvenue et bonne suite en littératur­e !

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DE DIRE ADIEU Marie-Sarah Bouchard Boréal
160 pages
2023
PAS BESOIN DE DIRE ADIEU Marie-Sarah Bouchard Boréal 160 pages 2023
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