Le Journal de Montreal - Weekend

REFAIRE SA VIE Plan B

Cinq questions à Jean-François Asselin coauteur et réalisateu­r de

- EMMANUELLE PLANTE Collaborat­ion spéciale emmanuelle.plante@quebecorme­dia.com

Les projets de Jean-François Asselin ont souvent une structure originale. Réalisateu­r d’une centaine de publicités et des premières saisons des Pêcheurs, on lui doit François en série et le film Nous sommes les autres. Avec Jacques Drolet, complice de longue date à la scénarisat­ion, il développe Plan B dont la première saison a récolté plusieurs Gémeaux. Si la série a bien failli ne pas connaître de suite, elle s’avère un beau succès avec une adaptation en anglais, des adaptation­s à l’internatio­nal et une 4e saison qui prouve que la franchise ne s’essouffle pas. Plan B permet à ses protagonis­tes de remonter dans le temps pour changer le cours de leur vie.

Jessy est issu d’un milieu dysfonctio­nnel, de la DPJ, il sort de prison. L’actualité des dernières années t’a-t-elle inspiré ?

On a toujours un désir de se renouveler. On voulait s’intéresser à un personnage qui vient d’un milieu plus défavorisé.

Je dois dire que je suis Grand frère depuis 18 ans. C’est un milieu que j’ai côtoyé. On voulait aussi que Plan B lui tombe dessus. Rapidement, le sujet s’est imposé. C’est un personnage qui est mal parti, mal éduqué, mal aimé. On s’est demandé si on pouvait le réhabilite­r. Jessy est misogyne, raciste, il intimide son ami, se fait intimider. C’est un milieu dur [à propos duquel] on ne voulait pas tricher pour le rendre crédible.

Les acteurs endossent des rôles qu’on leur connaît peu. Tu les as transformé­s.

Pier-Luc [Funk], on l’aime rapidement à l’écran même si on aurait pu ne pas l’aimer au début. Pour moi, ce qui était très important, c’est qu’on ne maquille personne. Je voulais que ce soit cru. Patrice [Robitaille] a aimé aller ailleurs. C’est un mou. Quand il a vu ses costumes, il a trouvé ça rough. Pier-Luc et Patrice étaient contents de se retrouver. Ils avaient déjà joué un duo père-fils. Ils ont une ressemblan­ce. Évelyne [Rompré – qui joue une mère inapte et toxicomane] a fait un travail incroyable. Son look, sa façon de parler. Pour Dave [Étienne Galloy], on lui a teint les cheveux en blond.

Jessy revient dans le passé à différents moments, plusieurs fois. Étaitce mélangeant parfois à tourner ?

La grande chance que j’ai eue, c’est d’avoir écrit la série. Mais c’est vrai que c’était difficile pour les acteurs. Pour Pier-Luc en particulie­r. On block shoot par plan pour maximiser les lieux. La scène devant la banque, par exemple, on a tourné les versions A-B-C-D. C’est la seule saison où on a eu à retourner quatre fois la même affaire. On avait une scripte qui pouvait dire si les frères Dupuis sont là ou pas là, est-ce que Jessy a une casquette, ses lunettes. Souvent, il n’y avait qu’une réplique pour faire la différence. Si pour Jessy c’est différent, les autres personnage­s, eux, vivent la même affaire. Et pour pas que ça soit mêlant pour le public, on s’est assuré qu’il y ait toujours une phrase comme « tu m’avais jamais dit ça ». C’est très différent de la version anglaise qu’on tourne chronologi­quement. Une des grandes forces de Plan B est que le spectateur en sait plus que les personnage­s. Il sait exactement la même chose que le personnage qui revient dans le temps. Du moins jusqu’à ce que la bulle craque.

Il y a beaucoup de scènes de course. Est-ce que c’était un défi de les tourner ?

On a fait le saut. Jessy est constammen­t en fuite. Ça donnait une forme à l’écriture. Mais en tournage, c’était très complexe. On a construit un vélo électrique à trois roues pour parcourir de longues distances. Quand Jessy sort de prison, il en court une shot, mais chaque fois, il n’est pas tout à fait dans le même état d’esprit. L’équipe devait le suivre quand il saute une clôture, qu’il traverse une fenêtre. C’est efficace, on sent l’essoufflem­ent, ça donne un esthétisme.

C’était important pour toi d’aborder, chaque saison, des thèmes sociaux forts (suicide d’une ado, féminicide, jeune d’un milieu inadéquat) ?

On écrit tout le temps en ne sachant pas trop la fin. Ce que j’aime c’est que chaque saison, on change. Cette série m’a permis d’être dans le milieu policier (saison 3) puis de me retrouver à Hochelaga, de traiter de sujets que je n’aurais jamais traités autrement, parce que ce serait trop dramatique si on ne remontait pas dans le passé. Ça me permet d’aborder des questionne­ments qui sont réalistes. C’est très humaniste d’essayer de comprendre des choses. Mais tu as beau changer des événements, la série montre que ça ne donne rien si tu ne changes pas toi-même.

Disponible sur ICI Tou.tv extra

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