Le Journal de Montreal - Weekend

D’OÙ VIENNENT NOS BLOCAGES DE MÉMOIRE ?

- Neuropsych­ologue et professeur à l’UQAM DR. FRANÇOIS RICHER

On ne pense pas toujours à la bonne chose quand il le faudrait à cause de la sensibilit­é de notre moteur de recherche cérébral, mais on peut souvent réduire nos blocages mnésiques en prenant soin de nous.

« Je connaissai­s la réponse, mais ça ne m’est pas venu sur le coup ». « J’ai pensé à ce que je voulais lui dire juste après qu’il soit parti ». « Je savais quoi faire, mais j’ai figé ».

La plupart du temps, se rappeler une informatio­n pertinente au moment voulu semble facile. Ça vient tout seul par associatio­n intuitive. Les mots que nous venons de prononcer allument les mots suivants. Entrer dans un lieu nous fait penser à la prochaine action à effectuer.

Parfois cependant, les informatio­ns pertinente­s nous viennent moins facilement à l’esprit. On bloque sur un nom qu’on connaît. On oublie ce qu’on allait dire. On ne pense pas à faire ce qu’on avait prévu. On vit une panne de récupérati­on d’informatio­ns. On connaît la réponse, car on la reconnaît tout de suite si on nous la dit et on peut la trouver facilement avec des indices, mais nos mécanismes d’accès à notre mémoire sont perturbés.

Nos problèmes de récupérati­on touchent particuliè­rement les informatio­ns qui ont moins d’associatio­ns comme les noms de personnes ou de lieux, les détails, le contexte des évènements (ex. : la période) ou la source de l’informatio­n (ex. : qui nous a dit ça).

ACCÉDER À NOS CONNAISSAN­CES

Pour se rappeler une informatio­n, il faut que le réseau de neurones qui la représente s’active suffisamme­nt pour devenir conscient. Et ce processus doit se faire malgré l’interféren­ce de milliards d’autres réseaux. Comme Google, notre cerveau se sert d’un moteur de recherche (notre lobe frontal) pour orienter nos réseaux de neurones (nos associatio­ns) dans la bonne direction et filtrer l’interféren­ce.

La plupart du temps, notre moteur de recherche guide nos associatio­ns dans la bonne direction. Cependant, nos recherches cérébrales sont sensibles au stress, à la fatigue et aux émotions.

LE RÔLE DE NOS ÉMOTIONS

Parfois, notre état émotionnel nous empêche de nous rappeler ce qu’on sait. L’anxiété peut faire figer notre moteur de recherche et nous laisser l’esprit vide (ex. : quand on se fait évaluer). Bizarremen­t, les médicament­s qui réduisent l’anxiété comme les benzodiazé­pines (ex. : Ativan) peuvent aussi causer des blocages de rappel d’informatio­ns.

Parfois, nos émotions bloquent notre moteur de recherche cérébral pour éviter de penser à des souvenirs souffrants. Certaines personnes ayant subi un traumatism­e émotionnel ont des difficulté­s à se souvenir d’évènements passés pendant une période plus ou moins longue (l’amnésie dissociati­ve).

D’autres personnes perdent l’accès aux détails des expérience­s embarrassa­ntes qu’ils ont vécues. Notre cerveau peut activement oublier des détails indésirabl­es en les associant à des émotions négatives. Ces associatio­ns négatives interrompe­nt notre moteur de recherche, ce qui réduit l’accès des détails indésirabl­es à la conscience.

Parfois, nos blocages vont jusqu’à nous empêcher de tenir compte de nos habiletés. Dans la dépression, on oublie souvent nos capacités, ce qui entretient notre manque de confiance et notre pessimisme.

ENTRAÎNER NOS PENSÉES

Quand on vit des pannes de récupérati­on d’informatio­ns, il ne faut surtout pas les confondre avec l’amnésie de la démence. Ne pas trouver une informatio­n connue est très différent d’oublier trop rapidement des évènements récents (ex. : des rencontres ou des appels). Pour les pannes de récupérati­on passagères, notre cerveau a parfois seulement besoin d’un indice, d’une pause ou d’exercice physique plus régulier. S’exercer à retrouver des informatio­ns peut aussi réduire nos pannes de récupérati­on. Surtout, il est important de s’occuper de sa santé émotionnel­le pour réduire l’interféren­ce des émotions sur notre moteur de recherche cérébral.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada