Le Journal de Montreal - Weekend
Voici comment Benjamin Franklin a associé le Québec à un échec de sa vie politique
Fils d’un savonnier de Boston, incarnation du self-made-man, scientifique et diplomate, Benjamin Franklin fut sans conteste l’une des premières superstars des colonies américaines et des jeunes États-Unis. Le sage de Philadelphie a vécu peu d’échecs dans son illustre parcours, mais c’est dans la Province of Quebec qu’on a contrecarré l’un de ses projets.
Entre 1763 et la signature de la déclaration d’indépendance, les relations entre les treize colonies se dégradent rapidement. Benjamin Franklin est alors installé à Londres depuis 1757. Sorte d’ambassadeur avant l’heure, il y représente les intérêts des coloniaux et envisage une forme de confédération des treize colonies. C’est d’ailleurs ce dont témoigne le dessin Join or die imaginé par Franklin dès 1754.
Après l’échec d’un plan pour régler le conflit entre la métropole et ses colonies, le philosophe revient à Philadelphie en 1775 et il intègre rapidement les discussions du congrès continental, le regroupement des délégués des treize colonies.
UN VOYAGE ÉPROUVANT
Réunis une première fois en 1774, les délégués des deux congrès continentaux tourneront chaque fois leur regard vers la Province of Quebec.
Leurs tentatives de rapprochement prendront d’abord la forme de lettres qu’on acheminera aux anciens colons français pour les inviter à s’engager dans les colonies britanniques. S’il n’est l’auteur d’aucune de ces missives, Franklin est associé à cet effort.
L’impression de ces lettres est réalisée par Fleury de Maspet.
Natif de Marseille installé à Londres en 1773, il se serait lié à Franklin. C’est à cette relation entre les deux amis qu’on attribue plus tard l’arrivée de Maspet à Philadelphie.
L’imprimeur s’est aussi joint à la délégation dirigée par Franklin, qui se présente à Montréal en 1776. C’est à cet endroit qu’il va installer sa presse. Après le retrait des troupes américaines, il décide de demeurer à Montréal et fonde La Gazette de Montréal, maintenant The Montreal Gazette.
PRESTIGE
Si les lettres n’ont pas l’effet escompté, on mise beaucoup sur le prestige de Franklin au sein de la délégation pour convaincre les locaux.
Quand il entreprend le périple, le célèbre septuagénaire se demande s’il n’est pas trop vieux pour une telle aventure. Il est inquiet, au point de préparer ses adieux.
Il est on ne peut plus clair dans ce passage : « I begin to apprehend that
I have undertaken a Fatigue that at my Time of Life may prove too much for me, so I sit down to write to a few Friends by way of Farewell. »
Franklin a exagéré les effets de cette fatigue, il vivra jusqu’en 1790, mais son passage au Château Ramezay, occupé par les rebelles américains, constituera un échec. Qu’on le traite avec tous les égards et qu’on organise une fête pour souligner l’arrivée de la délégation n’aura aucune incidence sur le résultat final. Il y a peu d’intérêt dans la population et les autorités religieuses se satisfont des concessions britanniques contenues dans l’Acte de Québec de 1774.