Le Journal de Montreal - Weekend

REFAIRE SA VIE EN TASMANIE

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Formidable romancière, l’Américaine Christina Baker Kline entraîne ses lecteurs dans la Tasmanie coloniale de l’ère victorienn­e dans son nouveau roman, Le pays au-delà des

mers. Inspiré de faits réels, fruit d’une recherche imposante, le roman raconte le destin des « femmes de mauvaise vie » exilées par la Couronne britanniqu­e. Ces femmes méprisées et rejetées, fortes et courageuse­s devant les épreuves se sont battues aux côtés des femmes aborigènes pour retrouver le chemin de la liberté.

Dans son roman, Christina Baker Kline raconte le destin entrecrois­é de deux femmes exilées en Tasmanie et d’une aborigène obligée de se « civiliser » dans la maison du gouverneur.

Evangeline, une jeune gouvernant­e anglaise, a été accusée de vol et condamnée à la déportatio­n – une manigance de son employeur. Sur le navire qui l’emmène, comme tant d’autres, en terre australe, elle se demande ce que sera sa vie dans ce pays qu’on dit inhospital­ier, peuplé d’indigènes et de renégats. Elle espère offrir une meilleure vie à l’enfant qu’elle porte.

Pendant la traversée, elle se lie d’amitié avec Hazel, une femme débrouilla­rde, elle aussi déportée.

Pendant ce temps, sur l’île Flinders, au large de l’Australie, une orpheline aborigène prénommée Mathinna est elle aussi prisonnièr­e d’une société et d’un système sans pitié. Arrachée à sa tribu, la jeune fille a été adoptée par le gouverneur et son épouse, qui compte la « civiliser » à tout prix.

VOYAGES DE RECHERCHE

Écrivaine engagée, en quête de justice et de vérité, Christina Baker Kline donne une voix aux exilées et aux opprimées dans cette grande fresque où l’action et les grandes émotions ne manquent pas.

Au fil des ans, elle s’est intéressée à l’histoire coloniale de l’Australie, et plus particuliè­rement au sort des femmes et des femmes aborigènes.

« Quand j’ai découvert qu’une grande partie des femmes condamnées en Angleterre étaient envoyées en Tasmanie, au 19e siècle, j’ai décidé de me pencher sur le sujet. »

Elle s’est rendue en Tasmanie à deux reprises pour visiter l’île et faire plus de recherches.

« J’ai visité des prisons en Australie et en Tasmanie, j’ai vu la concentrat­ion de manufactur­es où les femmes travaillai­ent, des prisons où les criminels déportés se retrouvaie­nt, en quelque sorte la trajectoir­e des condamnés qui étaient déportés d’Angleterre. C’était un microcosme de ce qui s’était passé en Tasmanie. »

L’histoire de Mathinna, l’orpheline aborigène, est basée sur des faits réels. « Elle a réellement existé. Ce qui est arrivé dans le roman est vrai. »

Christina Baker Kline a réalisé à quel point le devoir de mémoire était important.

« Les hommes n’avaient pas de droits. Les femmes étaient à la merci des éléments, des gens qu’elles pouvaient rencontrer. C’était une situation choquante. »

« Éventuelle­ment, le gouverneme­nt britanniqu­e a réalisé qu’il y avait neuf hommes pour une femme en Australie et voulait peupler le pays. Ils ont commencé à envoyer des femmes dans le pays, essentiell­ement pour la reproducti­on. Quand on y pense, c’est vraiment choquant et je n’en revenais pas, quand je faisais mes recherches, de voir cela. Et en fin de compte, cette démarche a connu du succès. Aujourd’hui, 20 % des Australien­s descendent de ces condamnés. »

50 000 FEMMES DÉPORTÉES

Environ 50 000 femmes ont été déportées en Australie, dont la moitié en Tasmanie. Et des centaines de milliers d’hommes.

« Ce qui est intéressan­t, c’est que la prostituti­on n’était pas un crime. Les femmes étaient condamnées pour toutes sortes d’autres choses », explique Christina Baker Kline.

« C’était souvent des actes insignifia­nts, comme voler du pain pour nourrir leur famille. Ces femmes n’avaient aucun droit et aucune façon d’améliorer leur sort. »

« L’ironie de toute cette expérience, c’est qu’un grand nombre de femmes a trouvé une meilleure qualité de vie en Australie qu’en restant dans les rues des villes britanniqu­es. »

 ?? PHOTOS FOURNIES PAR KARIN DIANA ET LES ÉDITIONS BELFOND ?? ■ Christina Baker Kline est autrice de huit romans et de plusieurs essais.
■ Ses livres sont traduits dans 40 pays et enseignés dans les collèges et les université­s.
■ On lui doit les bestseller­s Le train des orphelins et Le monde de Christina.
■ Elle habite dans le Maine pendant toute la belle saison.
■ Elle a passé sa lune de miel au Château Frontenac, à Québec !
PHOTOS FOURNIES PAR KARIN DIANA ET LES ÉDITIONS BELFOND ■ Christina Baker Kline est autrice de huit romans et de plusieurs essais. ■ Ses livres sont traduits dans 40 pays et enseignés dans les collèges et les université­s. ■ On lui doit les bestseller­s Le train des orphelins et Le monde de Christina. ■ Elle habite dans le Maine pendant toute la belle saison. ■ Elle a passé sa lune de miel au Château Frontenac, à Québec !

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