Le Journal de Montreal - Weekend
LES ROMANCES QU’ON S’INVENTE
ROMANS D’ICI Némo est une trentenaire folichonne qu’un brutal événement a obligée à s’assagir. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir des envies folles de désir ardent !
Il y a une telle vitalité dans le romandamour d’Amélie Dumoulin qu’on a peine à croire que sa narratrice s’adresse à une morte. Ou peut-être que, puisque la destinataire n’est plus là, l’amie qui lui écrit peut le faire sans retenue, sur un ton de franche liberté.
Quoi qu’il en soit, cela donne un roman pétillant, petit objet aussi curieux que son titre — ce romandamour qui est bel et bien à lire en un mot et en minuscules — et que l’image kitsch qui s’affiche en couverture.
Némo, surnom de la narratrice, a décidé de tenir un journal pour faire le point sur sa vie en la racontant à Barbara, sa meilleure amie. Celle-ci est décédée six ans plus tôt, avec son conjoint, dans un accident de voiture. Elle laissait derrière elle trois jeunes enfants.
Pour Némo, les abandonner était hors de question ; elle les a donc pris sous son aile, avec son Chum — oui, avec un grand C.
La clinique désaffectée qu’elle et des colocs occupaient au-dessus d’une pharmacie devient dès lors un logement familial, avec les responsabilités d’adulte qui en découlent : « Là, ma vieille, si tu voyais combien on marche droit, maintenant ! ».
Mais elle a beau s’appliquer à devenir une « maman professionnelle », Némo a envie de légèreté. Voire de romance, comme on en croise dans les romans Harlequin dont sa grand-mère raffole. Justement, un fantasme masculin bien réel croise sa route et Némo va tomber dans ses filets.
Elle raconte tout cela à Barbara comme si on l’entendait lui parler, dans un mélange maîtrisé de joual, d’anglicismes, de mots à la mode et de beaux mots tout court.
À quoi s’ajoutent des mots découpés dans de vieux Harlequin, dûment cités, qui déclinent tous les modes de séduction ; sans oublier les échanges de textos coquins entre la jeune femme et son beau ténébreux qu’elle a surnommé… Brossard.
TRANSPOSITION RÉUSSIE
On constatera vite que peu importe l’époque, les clichés du fantasme ne varient pas ! Mais sous le propos amusant se déploie surtout toute une architecture de l’attachement.
À l’amour rêvé se juxtapose en effet la formidable fidélité à une amie envolée, qui se manifeste notamment par l’affection de Némo pour les enfants de celle-ci. Les passages où elle lui raconte ce qu’ils deviennent nous chavirent le coeur.
Amélie Dumoulin signe ici son premier roman pour adulte et clairement son approche ludique vient en droite ligne de son travail en littérature jeunesse et en création théâtrale. La transposition est réussie.
C’est pourquoi, comme un enfant plongé dans un conte, comme un spectateur happé par ce qui se passe sur scène, comme une midinette qui craque pour les romans à l’eau de rose, on reste accroché à son romandamour.
Et au jeu de mots final, on flotte quelque part entre sourire et larme à l’oeil.