Le Journal de Montreal - Weekend

SOUVENIRS D’ENFANCE, SOUVENIRS DE FAMILLE

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Que veut-on garder de ce que le monde a déposé en nous ? Comment faire le tri des souvenirs, le ménage dans sa mémoire ? Qu’est-ce qui revient, qu’est-ce qui part ? Rafaële Germain, une écrivaine formidable maintenant orpheline, propose trois récits fortement chargés émotivemen­t dans Forteresse­s et autres refuges.

Trois récits liés par le thème de la mémoire. Trois récits où s’imbriquent des souvenirs, des constats, des observatio­ns, des questionne­ments, des moments doux, des moments difficiles. D’intenses moments de vie.

Rafaële Germain, en douceur mais sans concession, raconte l’histoire des premières années de sa mère, Francine Chaloult, des moments forts de sa vie et ses dernières semaines de vie, alors que sa mémoire s’effaçait peu à peu. Elle est décédée en mai dernier.

Elle revisite des moments de sa jeunesse, alors que son père, Georges-Hébert Germain, imaginait pour elle des petits chaperons de toutes les couleurs.

Rafaële parle des souvenirs dont elle a hérité, des histoires qui lui ont été tellement racontées qu’elles ont fini par entrer dans la légende familiale et s’incruster dans sa mémoire. Des images floues qu’elle garde de son enfance, des récits à partir desquels elle s’est construite. Elle raconte des moments cocasses, des drames, des années de glamour et d’effervesce­nce, la maladie, la mort. Ce qui reste. Ceux qui restent.

SES PARENTS

Elle est partie de trois souvenirs, à la suggestion de son éditrice Danielle Laurin.

« Je n’aurais jamais pensé aller là. Mais une fois rendue dedans, je me disais : c’est donc ça que j’avais envie d’écrire ! J’ai écrit l’hiver dernier et je me sentais privilégié­e. Je trouvais que je faisais un métier ben ben l’fun ! », partage-t-elle.

C’était comment d’écrire sur ses parents? « C’est deux bibittes, mes parents. Ma mère, surtout, c’est un méchant personnage ! », s’exclame-telle. « Je racontais ses souvenirs et je trouvais que j’avais bien choisi, parce que mes souvenirs à moi… no way que je suis un personnage aussi intéressan­t qu’elle ! »

Ce n’était pas du tout douloureux, assure-t-elle, même si elle a commencé l’écriture alors que sa mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer, était déjà très malade. « J’avais l’impression d’apprendre des choses. En réfléchiss­ant sur des proches, sur des gens qu’on a toujours connus, il y a vraiment des portes qui s’entrouvren­t et des pelures qui s’enlèvent. »

Rafaële raconte la genèse de la famille, les histoires familiales, des événements marquants qui ont changé le cours de la vie des gens. Elle parle, par exemple, de la vision idéalisée qu’avait sa mère du mariage quand elle était jeune… puis de sa désillusio­n et son changement de cap lui permettant de prendre le contrôle sur sa vie.

« Tu peux écrire sur n’importe qui, dans la vie. Mais déjà, je partais avec une belle longueur d’avance parce que mon “personnage” était vraiment truculent. Elle a un passé rocamboles­que pour vrai. On a tous des histoires flyées dans nos familles… mais ma matière n’était pas plate ! »

UN CONTE SEULEMENT POUR ELLE

Rafaële parle aussi de son père, qui lui racontait l’histoire de Noire-Suie, un conte imaginé pour elle toute seule. Elle écrit qu’elle faisait souvent « la baboune » quand elle était petite.

« En littératur­e, juste se regarder soi-même, ça a ses limites. J’essayais de trouver une façon de raconter nos souvenirs, d’aller au-delà de ça. Je voulais parler du souvenir, de la manière la plus universell­e possible. »

Rafaële fait remarquer qu’au cours des dernières années, elle était entourée de gens qui perdaient mémoire. Elle dit que ses parents étaient des « Ninja du déni », jusqu’à la fin. « Veux, veux pas, ça teinte toutes les réflexions que j’ai pu avoir sur le sujet. »

 ?? PHOTO PIERRE-PAUL POULIN ?? ■ Rafaële Germain est née à Montréal en 1976.
■ Elle travaille en télévision depuis plus de 20 ans.
■ Elle a fait ses premiers pas en littératur­e en 2004 avec Soutien-gorge rose et veston noir, best-seller vendu à près de 100 000 exemplaire­s.
■ Elle a signé en 2016 un essai inspiré en partie de la disparitio­n de son père, Georges-Hébert Germain, qui a souffert d’un cancer du cerveau ayant érodé sa mémoire.
■ Elle travaille sur le prochain talkshow de Marc Labrèche et développe des projets en diffusion.
PHOTO PIERRE-PAUL POULIN ■ Rafaële Germain est née à Montréal en 1976. ■ Elle travaille en télévision depuis plus de 20 ans. ■ Elle a fait ses premiers pas en littératur­e en 2004 avec Soutien-gorge rose et veston noir, best-seller vendu à près de 100 000 exemplaire­s. ■ Elle a signé en 2016 un essai inspiré en partie de la disparitio­n de son père, Georges-Hébert Germain, qui a souffert d’un cancer du cerveau ayant érodé sa mémoire. ■ Elle travaille sur le prochain talkshow de Marc Labrèche et développe des projets en diffusion.

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