Le Journal de Montreal - Weekend
Une grosse toutoune
La vie amoureuse de Ginette Reno n’a jamais été simple. Elle se remémore ici son premier béguin pour un garçon qui l’a ultimement rejetée en raison de son poids.
« Il s’appelait Jacques. J’avais onze ans. Lui… peut-être douze.
Chaque fois que je le voyais, je ressentais un petit quelque chose… Comme si mon coeur oubliait de battre, une fraction de seconde, pendant laquelle j’espérais de toutes mes forces que le beau garçon se tourne vers moi. Que nos regards se croisent. Qu’il me sourie… Mais non.
Rien.
Alors, j’ai pris mon courage à deux mains et je lui ai dit, le plus clairement possible, que je le trouvais “bien à mon goût” et que je serais heureuse de “sortir avec lui”.
Il m’a répondu, tout aussi clairement, que les grosses toutounes ne l’intéressaient pas.
Et il a gentiment ajouté, serviable comme tout : “Mon frère Gérald, lui, ça le dérange pas, les grosses.”
Je n’ai jamais oublié cette première “amourette”. Ni ce premier rejet. Parce que c’était la première fois que j’étais malheureuse à cause de mon poids.
Peut-être aussi parce que c’était la première fois que je décidais d’aller vers un garçon de mon âge. Je préférais de beaucoup la compagnie des adultes. Avec les jeunes, je me sentais à part, je n’arrivais pas à m’intégrer à leurs jeux, à leurs conversations. À leur insouciance, à leur légèreté. Comme si j’avais su, déjà, que la vie est un combat et que la victoire se mérite.
Et puis, toutes ces livres en trop, c’était assez récent. Je n’avais tout simplement pas encore réalisé que j’étais devenue une grosse toutoune. Jusqu’à neuf ans, j’avais eu le corps d’une enfant parfaitement normale. Jusqu’à ce que mes premières menstruations bouleversent mon existence. Beaucoup trop tôt.
À dix ans, je pèse cent soixantedouze livres !
J’ai un problème endocrinien et je suis indisposée toutes les deux semaines.
En fait, c’est une maladie, le syndrome de Stein-Leventhal, qui est responsable de multiples désagréments étranges…