Le Journal de Montreal - Weekend

LE FRANKENSTE­IN DE SARAH BERTHIAUME

- EMMANUEL MARTINEZ Collaborat­ion spéciale

Lorsque la dramaturge Sarah Berthiaume s’est replongée dans le roman Frankenste­in ou le Prométhée moderne de Mary Shelley, elle n’aurait jamais pu imaginer que cela allait donner vie à Wollstonec­raft qui sera présentée au Théâtre du Quat’Sous.

Comme le docteur de cette oeuvre culte qui crée un monstre à partir d’éléments divers, l’autrice est allée puiser dans ce classique de la littératur­e, dans la vie de Mary Shelley et dans la sienne pour accoucher de cette pièce de théâtre.

« Je procède un peu comme le docteur Frankenste­in qui prend des morceaux existants pour créer quelque chose de nouveau, dit-elle en entrevue téléphoniq­ue. Je vais piger plusieurs composante­s que j’ai rassemblée­s pour former un collage improbable. »

Dotée d’un « carnet de notes mental », la dramaturge avoue « emmagasine­r des matériaux que je garde et que je l’utilise par la suite ».

RÉFÉRENCE AU FÉMINISME

Le titre de la pièce fait référence au nom de famille de la mère de Mary Shelley, Mary Wollstonec­raft, qui est une des fondatrice­s du féminisme. Ce courant de pensée est abordé dans cette production, car la protagonis­te de cette fiction est tétanisée par la réception de son dernier roman qui a été vilipendé par plusieurs féministes.

De son vécu, cette mère de deux enfants s’est inspirée de sa maternité pour pondre cette histoire qui raconte le destin d’une romancière qui fait des fausses couches à répétition et qui garde des foetus dans un congélateu­r pour découvrir pourquoi elle est infertile.

« Oui, j’ai fait des fausses couches, confie-t-elle. Mais ce n’est pas autobiogra­phique ni intime comme propos. C’est une pièce qui fait des parallèles entre enfanter et créer. »

En effet, l’héroïne de cette pièce décide d’assembler les foetus pour en faire un bébé vivant. « Je parle du rapport amour-haine qu’a l’humain envers la création, envers l’oeuvre qui nous échappe et qu’on ne contrôle plus. Il ne peut s’empêcher de créer avec l’intention de faire le bien, mais en faisant le mal en fin de compte.Le propos de Sarah Berthiaume est très pertinent avec l’émergence de ChatGPT et de l’intelligen­ce artificiel­le qui menace de bouleverse­r l’humanité.

« C’est pile poil dans ces réflexions-là, dit celle qui a terminé la rédaction de sa pièce en octobre. C’est drôle, car mon troisième personnage joue avec un algorithme pour de la poésie qui va le remplacer. J’avais évidemment écrit cela sans me douter que ce serait aussi d’actualité avec le danger que ces inventions finissent par nous avaler. »

Wollstonec­raft est présentée au Théâtre du Quat’Sous du 18 avril au 13 mai.

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