Le Journal de Montreal - Weekend

NOUVEAU SOUFFLE, NOUVELLE VOIX

Cinq questions à Jean-Christophe Réhel, auteur de L’air d’aller

- EMMANUELLE PLANTE Collaborat­ion spéciale emmanuelle.plante @quebecorme­dia.com

Jean-Christophe Réhel écrit magnifique­ment. Poète, il a six recueils aux titres évocateurs à son actif, dont Les volcans sentent le coconut, La fatigue des fruits, Peigner le feu .Il s’est fait connaître pour son roman Ce qu’on respire sur Tatouine, paru en 2018, qui a reçu une critique dithyrambi­que, remporté le Prix littéraire des collégiens, et a été adapté au théâtre et dans un balado auquel Marc-André Grondin prête sa voix.

L’air d’aller est la première incursion en télévision de Jean-Christophe Réhel.

La série est déjà en nomination au marché de Cannesérie­s. On y retrouve quatre jeunes dans la mi-vingtaine qui, comme lui, souffrent de fibrose kystique. Alors qu’une membre du groupe voit ses jours s’étioler, les autres font tout pour embarquer dans sa folie et collection­ner les souvenirs.

Si la maladie a marqué l’oeuvre de Réhel jusqu’à maintenant, c’est toujours avec une pointe d’humour et une lucidité douce et désarmante.

Avec ses références à la culture populaire et ses personnage­s attachants, il nous donne envie de tourner les pages ou d’enchaîner les épisodes. D’un souffle, il s’installe comme une nouvelle voix dans notre univers télévisuel.

C’est ta première expérience en écriture télévisuel­le. Quelle est la genèse de L’air d’aller ?

À l’été 2020, je travaillai­s sur un projet d’animation avec mon recueil Peigner le feu qui n’a pas vu le jour, mais mon producteur, Alexandre Gauthier, savait que Télé-Québec cherchait de nouvelles fictions. Pour moi, c’était irréaliste. Quand on présente des gens malades à la télé, il y a toujours un côté mélodramat­ique et lourd. Je pense avoir réussi à mettre beaucoup d’émotions dans mes personnage­s pour créer une comédie dramatique. Et j’ai été très bien épaulé par Nathalie Bourdelais. Mais la vraie genèse du projet m’est venue dans la salle d’attente du CHUM. J’ai vu deux jeunes atteints de fibrose kystique qui étaient là avec leurs cathéters et qui se faisaient du fun. Je trouvais ça cool. J’avais envie d’être leur ami. Alors je me suis dit pourquoi ne pas écrire sur quatre amis qui en sont atteints à des niveaux différents.

L’air d’aller arrive après Pour toujours, plus un jour et Les bracelets rouges. As-tu l’impression de t’inscrire dans une tendance ?

La tendance je la vis depuis 1989. Quand on a su pour Les bracelets rouges, l’écriture était déjà avancée. Pour ma première expérience en télé, j’étais content d’être en terrain connu. Je me suis dit : tant mieux. Les gens vont pouvoir comparer. Avec la fibrose, ce qui est l’fun c’est que tu ne le sais pas si quelqu’un est malade. Même s’il tousse, ça peut être n’importe quoi, une grippe, le rhume. Alors que le cancer visuelleme­nt paraît avec la perte de cheveux par exemple.

Qu’est-ce qui relève de la réalité et de la fiction dans la série ?

L’histoire d’amitié est complèteme­nt de la fiction. C’est vrai qu’entre nous [personnes qui ont la fibrose kystique], on a peur de s’échanger des bactéries. Je suis plutôt comme Jimmy (Joakim Robillard), un peu hypocondri­aque. Mais sinon je n’avais aucune envie d’informer les gens ni de démocratis­er quoi que ce soit. Je voulais seulement raconter une histoire d’amitié. Sans elle, il n’y a pas de show.

La réalisatio­n de Sarah Pellerin comporte beaucoup d’éléments originaux. On y intègre de la danse notamment. Est-ce que ça faisait déjà partie du scénario ?

Nous avons le même style d’humour. Je savais que si elle entrait dans mes textes ce serait le mariage parfait. Elle aeu une belle vision, une belle ouverture et m’a inclus tout au long du processus. Pour la danse, je cherchais comment poétiser visuelleme­nt la série. Plutôt que d’écrire dix millions de pages pour décrire une émotion, j’ai pensé à la danse. Des fois, il n’y a pas de mot quand tu es malade. Se taper une danse peut être plus fort qu’un dialogue flat. Sarah a intégré beaucoup de musique. Je tenais à Shade and Dust, un band de death metal de Repentigny que j’ai vu plusieurs fois. Je me suis pété des côtes et des dents dans leurs shows. C’était symbolique.

Outre l’amitié, il est aussi question d’urgence de vivre…

Katrine (Catherine St-Laurent) est un peu punk. Jimmy a toujours son sac-banane par peur de manquer de pilule. Que ce soit Gabriel (AntoineOli­vier Pilon) ou Cindy (Noémie LeducVaudr­y), tous ont peur de mourir trop tôt. Ils veulent déjouer la mort et rire d’elle. On est plus dans la force que dans l’apitoiemen­t ou la pitié. Il y a une aura autour d’eux. Cette urgence de vivre, ce malheur-là, fait une belle histoire. Ça dit : je suis malade, mais je suis vivant.

L’air d’aller, jeudi 21 h à Télé-Québec. Ou en rafale sur telequebec.tv

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