Le Journal de Montreal - Weekend
Des fragments d’assiettes et de calumets montrent comment s’est développé l’identité canadienne en Nouvelle-France
À leur arrivée en Nouvelle-France, les colons découvrent un environnement physique et humain qui les force à s’adapter. Cette adaptation entraîne de nouvelles façons de faire et un changement de mentalité.
Comme le démontrent plusieurs témoignages dès la seconde moitié du XVIIe siècle, les habitants de la vallée laurentienne établissent une différence entre les métropolitains et les « Canadiens » nés en Amérique.
La culture matérielle du manoir de la Nouvelle Ferme, sur la Petite île aux Oies, révèle bien cette mouvance identitaire. L’occupation la plus ancienne montre un attachement du seigneur à ses racines européennes, qui s’exprime par une habitation typique d’Île-deFrance — peu éclairée, en moellons de calcaire, four à pain accolé au mur pignon… — et un régime carné à base de boeuf et de porc.
La période suivante voit se matérialiser l’influence autochtone et une meilleure adaptation au milieu naturel, avec l’abondance de gibier sur la table — oie, canard, orignal, poissons — et la présence de pipes en pierre d’influence autochtone, fabriquées localement. Bien entendu, on reste attaché à certains luxes européens, comme la verrerie et la faïence.
Par la suite, la consommation d’animaux sauvages baisse fortement, tandis que l’intérêt des métayers pour le mode de vie métropolitain s’accentue avec le goût des nouvelles modes françaises, comme la vaisselle individuelle : assiettes, soucoupes, verres à boire, etc. Par contre, l’usage des pipes de pierre reste de mise pour fumer.
Enfin, la culture matérielle des dernières années du Régime français révèle une stratification sociale marquée : les seigneurs se tournent exclusivement vers des valeurs métropolitaines, comme les viandes provenant d’animaux domestiques et les pipes d’argile européennes, tandis que les engagés utilisent toujours des pipes de pierre.