Le Journal de Montreal - Weekend

ÉCORCHÉE PAR LES TÉMOINS DE JÉHOVAH

- LOUISE BOURBONNAI­S Collaborat­ion spéciale louise.bourbonnai­s @quebecorme­dia.com

L’histoire de Pamela Perdegas donne froid dans le dos. C’est celle d’une enfant élevée par des parents Témoins de Jéhovah. Elle a vécu son enfance comme une prisonnièr­e dans un monde où la violence physique et psychologi­que faisait partie du quotidien. Dans son récit biographiq­ue, Sauver ma peau, elle raconte son cauchemar jusqu’à ce qu’elle décide de fuir et repartir à zéro.

On en sait trop peu sur les Témoins de Jéhovah, sans doute parce qu’il s’agit d’un groupe ultraconse­rvateur dont les portes restent fermées.

Pour la plupart, on a déjà entendu parler d’eux, parce qu’ils sont déjà venus frapper à notre porte un dimanche matin en nous lisant un verset de la Bible en signe d’introducti­on, accompagné­s de leurs enfants, dans le but de nous endoctrine­r.

Dans son livre, Pamela Perdegas lève le voile sur tout un pan de l’univers des Témoins de Jéhovah, ceux qui vénèrent un Dieu unique, qui se nomme Jéhovah, et qui attendent la fin du monde depuis plus de 100 ans.

« Le porte-à-porte c’est ce que je détestais le plus », se souvient Pamela, obligée de le faire avec ses parents depuis qu’elle est bébé.

En grandissan­t, c’était devenu plus embarrassa­nt, d’autant plus qu’un jour elle est tombée chez un camarade de classe qui ne savait évidemment pas qu’elle était Témoin de Jéhovah.

HONTE

« Je voulais garder ça secret, comme je n’étais pas d’accord, mais j’y étais obligée et toute la vie de ma famille tournait autour de ça », confie Pamela.

La gêne s’est rapidement mêlée à la honte, même si elle n’y était pour rien. Heureuseme­nt, elle pouvait se consoler, car sa mère lui achetait les plus beaux vêtements.

« On était toujours bien habillé pour ces événements, tant le porte-à-porte que les réunions des Témoins de Jéhovah », précise-t-elle.

Aux porte-à-porte s’est ajoutée la vie qui était différente de celle des autres, là où elle a grandi, sur la RiveNord de Montréal. « On ne pouvait pas fêter Noël comme les autres familles, ni même les anniversai­res de naissance », souligne-t-elle.

C’est vers l’âge de sept ans qu’elle a réalisé que sa vie était différente des autres à l’école, n’ayant pas droit à un gâteau d’anniversai­re. Il lui était aussi interdit de visionner les films d’Harry Potter ou de dessiner des citrouille­s à l’Halloween parce que c’est associé à de la sorcelleri­e.

À l’adolescenc­e, impossible de sortir avec des garçons. « Je devais le faire en cachette et toujours mentir à mes parents pour voir mon copain », ajoute-t-elle. Même sa cousine qui était sa confidente l’a trahie.

VICTIME DE VIOLENCE

Outre les différence­s, les privations de sortie et l’interdicti­on d’utiliser Internet, Pamela a subi les sévices physiques de son père.

« Mon père me battait à coup de cuillère et me fouettait avec une ceinture en cuir », déplore-t-elle, précisant qu’elle a souvent pensé à se protéger en mettant du papier de toilette sous ses pantalons pour amoindrir les coups, anticipant les châtiments.

« Cela survenait chaque fois que l’on ne respectait pas un interdit, comme voir un garçon. On peut le faire seulement si on envisage le mariage, mais à 14 ans je ne voulais pas y penser. »

Les sévices, les interdits, mais aussi son professeur de science qui a défait sa théorie inculquée depuis toujours sur Adam et Ève, Pamela a alors eu envie de se rebeller et fuir sa famille.

Sans argent ni téléphone, elle apprendra à fuir grâce à l’aide de la DPJ, à 16 ans.

Son baluchon était prêt et caché dans sa chambre avec une pièce de monnaie pour téléphoner à son contact à la DPJ, depuis un téléphone public.

Le parcours n’aura rien de facile, la vie en famille d’accueil n’a rien d’agréable, il y en aura plus d’une, et à 18 ans, elle fuira sa famille d’accueil.

Il y aura aussi une audience très difficile en cour. « Mon père déformait la vérité au juge », souligne-t-elle.

Aujourd’hui à 27 ans, Pamela a une vie stable loin des Témoins de Jéhovah. Elle n’a aucun regret et s’est construit une nouvelle vie, même si elle aimerait faire la paix avec ses parents et sa famille, qui ne lui adressent plus la parole.

Elle a un bon boulot dans la vente et vit avec son conjoint tout en construisa­nt des projets pour l’avenir.

Elle espère que son récit servira de référence pour inspirer d’autres personnes aux prises avec des problèmes similaires.

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SAUVER MA PEAU : TOUT PERDRE POUR ÉCHAPPER AUX TÉMOINS DE JÉHOVAH Pamela Perdegas Pratico Édition 183 pages

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