Le Journal de Montreal - Weekend
BIENVENUE DANS LE FUTUR IMMÉDIAT
Jean-Emmanuel Bibault est un bollé, comme on dit en langage familier. Lui qui rêvait de devenir psychiatre, voilà qu’il se retrouve, quelques années universitaires plus tard, chercheur en radiothérapie dans un laboratoire de la prestigieuse Université Stanford, dans la Silicon Valley, puis professeur en oncologie radiothérapie à l’université de Paris-Cité et praticien à l’Hôpital européen Georges-Pompidou.
Aujourd’hui, il est plus convaincu que jamais que l’intelligence artificielle bouleversera profondément la façon d’exercer son métier et améliorera le devenir des patients.
« Nous sommes en passe d’inventer les machines qui nous soigneront mieux que nous sommes capables de nous soigner nous-mêmes », affirme-t-il.
Fascinant ! Et nous n’en sommes qu’aux premiers balbutiements. Le robot de conversation ChatGPT, qu’on a appris à connaître il y a peu, n’est que la pointe de l’iceberg.
Si, entend-on souvent, l’IA ne vient pas remplacer les professionnels de la santé dans leurs multiples tâches, en quoi peut-elle améliorer la pratique de la médecine dans des domaines comme le dépistage, le diagnostic, la prédiction, le traitement et même la prévention des maladies ?
ACCÉLÉRATION DU DIAGNOSTIC
Premièrement, commente l’oncologue, elle permet l’accélération du diagnostic. Lutter contre un cancer, par exemple, est souvent une course contre la montre, et malgré toute la bonne volonté du monde, il peut s’écouler plusieurs mois avant le début d’un traitement adéquat.
Grâce à ses mégabases de données massives intégrant un grand nombre de paramètres, et grâce à sa capacité d’interprétabilité, l’IA permettra une meilleure performance au niveau du dépistage, du diagnostic et du traitement à suivre.
C’est ainsi que ce médecin spécialiste a créé, avec l’aide de quelques autres chercheurs, une IA pour dépister les possibilités de cancer chez certaines populations ciblées.
De telles recherches avec l’aide de l’IA peuvent aussi permettre de dépister des maladies infectieuses liées à l’environnement, comme le virus Zika, la dengue ou le chikungunya, qu’on retrouve dans des zones tropicales comme Cuba, par exemple.
Dans la majorité des cas, l’IA s’est montrée plus performante que les experts en radiologie pour détecter la présence d’un cancer. En réalisant des diagnostics précoces (poumons, sein, foie, pancréas, prostate, vessie, cerveau, peau), grâce à l’IA, les médecins peuvent donc entreprendre une thérapie dans de meilleurs délais et sauver des vies.
ET ENCORE PLUS
Mais cela peut aller encore plus loin. Dans le cas d’« un doute sur un grain de beauté ou un nouveau bouton, plus besoin d’attendre six mois avant le rendez-vous chez votre dermatologue, prenez votre téléphone, scannez-vous la peau et obtenez une réponse fiable et instantanée ! »
En cardiologie, l’IA s’est, là aussi, distinguée, grâce à son analyse automatisée des électrocardiogrammes. Cela vaut aussi pour les maladies du tube digestif où l’IA a permis d’analyser certaines vidéocapsules captées pendant l’endoscopie en moins de dix minutes.
Les champs d’application de l’IA en médecine sont infinis. On peut même analyser la qualité des spermatozoïdes d’un donneur pour l’insémination artificielle, afin d’augmenter les chances de succès.
Cette analyse peut permettre, entre autres, de déceler les risques de diabète gestationnel, qui normalement survient entre la 24e et la 28e semaine de la grossesse. Régimes alimentaires, exercices physiques et entraînement, sommeil, psychiatrie, dépression, on ne compte plus les applications où l’intelligence artificielle intervient avec succès.
Le chemin parcouru depuis l’apparition de la Pascaline (la machine à calculer de Blaise Pascal) jusqu’à l’iPad d’Apple, en passant par la console Nintendo, est gigantesque. Et si un jour, tous les ordinateurs tombaient en panne ? se demande le chercheur. Je serai toujours médecin et continuerai de soigner mes patients, répond-il, mais je suis cependant incapable de réparer un processeur informatique.
DES RISQUES
Bien sûr, l’IA comporte des risques d’abus et d’intrusion dans nos vies privées, entre autres avec l’IA ambiante, qui peut surveiller et évaluer vos moindres gestes dans un lieu donné. Tout tient à l’intention de l’utilisateur. Pas pour rien que les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) s’intéressent à la médecine. En 2020, l’IA représentait un marché de 156 milliards de dollars. D’où la nécessité de protéger la confidentialité des données des patients.
L’auteur conclut, sur une note optimiste, qu’en 2041, l’IA (devenue entretemps GAIA, pour General Artificial Intelligence for All) aura remporté trois prix Nobel : physique, chimie et médecine. GAIA permettra de dépister avec une grande précision l’ensemble des maladies et de les prévenir.
Vivement 2041 !