Le Journal de Montreal - Weekend
DIEU N’EXISTE PAS
D’abord le titre qui attire l’attention. Ce paradis des bananes, existe-t-il aussi pour nous les humains qui sommes proches parents du chimpanzé ?
Et puis faire une croix sur la religion, il fallait y penser ! Bref, ce livre tombe à point (et à poing) alors que surgit dans la société québécoise un nouveau débat : faut-il autoriser l’installation d’un local de prière ou de recueillement (quel euphémisme !) dans nos écoles ? Alors qu’on croyait cette question réglée depuis longtemps, voilà que les vieux démons de la religion « qui empoisonne tout », selon l’expression du journaliste britannique Christopher Hitchens, ressurgissent, embrouillant la surface de l’eau tranquille et cristalline.
Or, selon des statistiques récentes, 82 % de la population mondiale s’identifie toujours à un des nombreux courants religieux existants.
« Le christianisme, à lui seul, compte 2,2 milliards de fidèles. L’islam en recense 1,6 milliard et l’hindouisme n’est pas en reste avec son milliard d’adeptes. Quant au
1,9 milliard de croyants restants, ils sont partagés de la manière suivante : 500 millions de bouddhistes, 16 millions de juifs et les derniers millions sont répartis à travers les quelque 2500 mouvements religieux répertoriés aux quatre coins de la planète. »
« PENSÉE IRRATIONNELLE »
Il reste encore bien du monde à convaincre… Mais Guy Perkins, qui a décrypté des milliers de pages d’ouvrages de référence en théologie, en ésotérisme, en philosophie, en histoire, en anthropologie, en biologie de l’évolution, en astrophysique, en neuroscience et en psychologie, n’a pas reculé devant l’ampleur de la tâche et il s’est donc fixé comme but de démontrer comment les religions et les mouvements sectaires « représentent la quintessence de la pensée irrationnelle et procurent un environnement propice aux abus de tous ordres ».
Nous sommes nés environ 13,8 milliards d’années après le Big Bang. À l’échelle cosmique, nous ne sommes rien, constate-t-il.
« La durée moyenne d’une vie humaine à l’échelle du calendrier cosmique correspondrait à celle d’un clignement d’yeux. »
11 SEPTEMBRE 2001
L’auteur, lui, est né dans les années soixante-dix, dans ce Québec secoué par la Révolution tranquille et la perte des principales références religieuses. Son enfance à l’eau bénite correspond en tous points à celle de ma génération et même si cette histoire est aujourd’hui archi connue, elle est détaillée avec verve et humour.
Les années 1990 seront marquées par la découverte du scepticisme et du grand doute, en passant par la tentative ésotérique et la séduction des sectes et gourous. Mais ce sont les attaques du 11 septembre 2001 qui ont eu pour effet d’étendre sa curiosité « à toutes les croyances irrationnelles, incluant les religions traditionnelles ».
À la suite de changements démographiques majeurs liés à l’immigration, l’Assemblée nationale votera la loi 21 « pour expliciter le concept de laïcité au Québec ». Or, cette loi n’a pas chassé le besoin de « croire », que la société doit tout de même respecter.
Mais comment déterminer quelles croyances sont bénignes ou toxiques ? se demande-t-il. Tout est question de dosage, répond-il. Il faut maintenir un ancrage solide avec la réalité par la culture de la pensée critique. Selon lui, la religion ne devrait être réservée qu’aux adultes avertis, comme pour l’alcool et les drogues douces. Ne pas oublier, précise-t-il, que « ces religions se sont livrées au cours de l’histoire à la répression, à la torture et à d’innombrables guerres contre les non-croyants ou contre tous ceux qu’ils jugent hérétiques ».
Après avoir décortiqué la Bible dans tous les sens, mais non sans humour, et s’appuyant sur la lecture d’auteurs reconnus pour le sérieux de leurs travaux sur les religions, Perkins conclut que « les croyances sont essentiellement une illusion et que le Dieu monothéiste résulte de l’évolution de cette illusion ». Dieu n’existe pas, et il le démontre abondamment.
Perkins est un chaud partisan de la loi 21, on s’en doute, et il déplore toutes les embûches qu’on sème pour rendre difficile son application, comme cette propension à crier au racisme dès que l’idéologie religieuse est critiquée ou moquée.