Le Journal de Montreal - Weekend
CORRESPONDANCE ENTRE 2 ARTISTES EXCEPTIONNELS
Le temps de quatre saisons, l’écrivain et homme de théâtre Robert Lalonde et le poète et parolier Jonathan Harnois mêlent leurs idées, leurs réflexions et leur poésie dans une correspondance où ils parlent de l’écriture et de la vie. Tu me rappelles un souffle, un recueil tout en finesse, sincère, montre la rencontre de deux grandes voix poétiques masculines qui appartiennent à deux générations différentes. Deux amis qui échangent en toute liberté sur la condition de l’écrivain et sa place dans le monde.
Tu me rappelles un souffle est l’occasion parfaite de voir tout le mécanisme de création chez deux artistes exceptionnels, unis par une amitié de longue date.
« Ça a été une bonne idée qu’on corresponde… et au bout du compte, ça a peut-être été une bonne idée qu’on publie cette correspondance. C’est vrai que c’est rare. On arrivait chacun avec nos âges, nos préoccupations, et notre cheminement, des choses à partager. On s’est dit que ça pouvait peut-être inspirer des gens », explique Robert Lalonde, en entrevue.
Les deux écrivains se sont connus il y a une vingtaine d’années, lorsque le roman de Jonathan Harnois, Je voudrais me déposer la tête, a été adapté au théâtre.
« Je ne jouais pas dans la pièce, mais je travaillais avec le théâtre Petit à petit. Je l’ai vu là. Après, on s’est perdus de vue. C’est lui qui m’a lancé l’appel. Il avait envie de se remettre à écrire. Il se sentait un peu prisonnier de ses propres doutes par rapport à son travail. On a commencé à correspondre comme ça, en rattrapant notre amitié qui datait de 20 ans à peu près. Ça a renoué et l’amitié et l’écriture de chacun de nous. »
L’INSPIRATION, LES DOUTES…
Robert Lalonde ajoute qu’il ne connaissait pas vraiment l’histoire de Jonathan Harnois et qu’une bonne vingtaine d’années se sont passées avant leurs retrouvailles. Donc beaucoup de choses se sont passées, pour l’un comme pour l’autre.
« Notre projet de départ, ce qu’on voulait attaquer, en ne sachant pas qu’on allait publier, c’était l’inspiration, les doutes. Comment lutter contre l’“à-quoi-bon” ? Comment valoriser l’écriture qui est la nôtre dans une époque où l’écriture est en train de changer ? Les gens accordent peutêtre moins qu’avant de l’importance à la langue. Jonathan est un poète, d’abord. »
UN MENTORAT RÉCIPROQUE
Jonathan Harnois et Robert Lalonde, à la même époque, pour différentes raisons, ont ressenti le besoin de s’exprimer.
« Moi, à cause sans doute de mon âge et de tout ce que j’ai écrit depuis longtemps, et lui, parce qu’il n’avait pas beaucoup publié. On était tous les deux un peu en nécessité d’avoir des petites injections de mentorat de part et d’autre ! »
« Il m’a considéré comme son mentor et je l’ai considéré comme mon mentor aussi, pendant toute cette période. C’est vraiment un rapport d’égal à égal : à deux voix, on s’interrogeait sur le travail de création. C’est quoi, la place que ça prend dans notre vie, qu’est-ce qui nous a amenés à ça ? Qu’est-ce qui nous empêche de travailler ? Qu’est-ce qui nous inquiète ? Qu’est-ce qui nous tient le plus à coeur ? »
SOURCE D’INSPIRATION
Un projet harmonieux, bien mené de A à Z, qui témoigne du talent des deux auteurs, de leur sincérité, de l’authenticité de leur démarche. Deux sensibilités, deux parcours, deux façons d’écrire, de beaux échanges.
« On s’est dit, à la fin, après avoir fait lire le manuscrit à quelques personnes, que ça avait l’air de valoir aussi, même pour des gens qui ne sont pas dans l’écriture, mais qui sont dans la vie elle-même, avec ses embûches et ses épiphanies successives. »