Le Journal de Montreal - Weekend
LA LIBIDO MAL CONTRÔLÉE
Du harcèlement à la violence sexuelle, l’hypersexualité est un problème de santé publique prioritaire. Protéger les femmes et changer la culture qui favorise ces débordements sont des éléments essentiels, mais comprendre leur origine est aussi une priorité.
UN INSTINCT FACILE À SENSIBILISER
Le désir mal contrôlé cause énormément de tort. Comme d’autres instincts (faim, peur, irritation), le désir sexuel peut devenir hypersensible, soit par conditionnement, par apprentissage social ou par désinhibition.
Notre désir et nos comportements de séduction sont influencés par des forces majeures comme le besoin d’amour, l’envie de plaire et le plaisir physique. Il est aussi influencé par les pressions sociales qui le répriment ou le favorisent. Les possibilités de dérapage du désir sont donc nombreuses.
LE DÉSIR EST LIÉ AU POUVOIR ET À L’INSÉCURITÉ
Les liens entre le désir et le pouvoir sont nombreux. Plaire est une source de satisfaction et de fierté, mais c’est aussi une source de statut et de pouvoir. Plaire est parfois utilisé pour compenser notre insécurité.
Plusieurs déclencheurs du désir sont acquis par nos expériences de jeunesse, mais aussi par les médias et la culture.
Les charmeurs sont encouragés par la fierté et le pouvoir que le succès social leur procure. Certaines personnes deviennent conditionnées à la satisfaction de la conquête même quand ils ont peu de désir. D’autres sont excités par l’idée de tricher ou de manipuler.
Les narcissiques peuvent développer un comportement prédateur à cause de leurs lacunes d’empathie et de respect de l’autre. En plus, pour plusieurs personnes, le statut social est attirant, ce qui peut rendre la personne plus vulnérable et créer une dynamique d’abus.
Le statut social et le pouvoir augmentent le niveau de testostérone, ce qui stimule les circuits cérébraux du désir chez l’homme et chez la femme.
Le désir peut aussi être hypersensibilisé par des augmentations de dopamine cérébrale (succès, admiration). L’hypersexualité s’observe entre autres dans les troubles bipolaires en phase maniaque qui comportent entre autres un excès de dopamine.
LA DÉSINHIBITION
Les excès du désir s’expriment surtout quand les freins que sont le jugement, le respect ou les inhibitions sociales ne fonctionnent pas adéquatement. Ces inhibitions sont atténuées par l’alcool et d’autres substances. Elles sont aussi affectées par nos traits de personnalité, dont l’impulsivité, l’insécurité ou le narcissisme. Ces traits peuvent faire dévier le désir et la séduction saine vers des habitudes délinquantes visant la manipulation de l’autre.
L’hypersensibilisation du désir favorise aussi l’objectification. On peut être émoustillé à la vue d’une épaule ou d’une jambe dénudée après un long hiver. Certains deviennent hypersensibles à la transgression et trouvent grisant de voir ce qui n’est pas autorisé (voyeurisme) ou d’être regardé (exhibitionnisme).
L’hypersexualité pathologique s’observe parfois quand les portions du cerveau qui représentent nos codes sociaux et moraux sont atteintes (commotions cérébrales, démences). Les circuits de régulation du désir peuvent bien sûr être faibles dès la naissance ou avoir été affaiblis par des expériences (abus, drogue…).
DÉVELOPPER LE RESPECT
Un assainissement de la sexualité et des relations humaines passe bien sûr par une meilleure régulation sociale (codes de déontologie, traitement optimal des plaintes) et des campagnes d’éducation pour contrer l’incivilité, l’irrespect et l’abus de confiance. En outre, il est urgent de développer les compétences émotionnelles et sociales à la maison, à l’école et au travail.
Tous gagneraient à mieux connaître le désir, ses influences et son contrôle pour lui donner une place plus saine dans les relations humaines.