Le Journal de Montreal - Weekend

LA VARIÉTÉ AVANT TOUT

Tout comme au cinéma, où on peut la voir en ce moment dans des films aussi différents que La cordonnièr­e et Crépuscule pour un tueur, RoseMarie Perreault aime varier les genres quand elle lit.

- KARINE VILDER Collaborat­ion spéciale

Récemment, vous avez lu un livre que vous avez beaucoup aimé ?

Oui, État des lieux de Deborah Levy. Dans ce livre, troisième d’une trilogie appelée « Autobiogra­phie en mouvement », on suit les réflexions de Deborah Levy, autrice anglaise, à l’orée d’une nouvelle vie après son divorce avec le père de ses deux filles. Elle erre de ville en ville en nous parlant des références littéraire­s et des rencontres amicales qui la forgent comme femme en réaction au patriarcat. Ses pensées sont brillantes et souvent très drôles.

Et au cours de ces dernières années, quels romans vous ont particuliè­rement plu ?

√ Morel de Maxime Raymond Bock. J’ai beaucoup aimé cette histoire d’un homme seul et vieillissa­nt qui porte un regard empreint de nostalgie sur sa jeunesse, quand il participai­t comme ouvrier à la constructi­on du Montréal moderne, celui qu’on connaît aujourd’hui.

√ La renarde et le mal peigné ,lacorrespo­ndance entre Pauline Julien et Gérald Godin. Elle est attendriss­ante, mais aussi déchirante, nous tire autant de sourires que de larmes. Parce qu’à travers ces lettres témoignant d’un grand amour sur plusieurs décennies, on ressent aussi le poids des doutes, des absences et des questionne­ments intranquil­les.

√ Charlotte de David Foenkinos. Dans ce roman biographiq­ue écrit en vers, David Foenkinos retrace superbemen­t la vie de Charlotte Salomon, peintre juive allemande ayant dû fuir la guerre. Je ne la connaissai­s pas, et le portrait que l’auteur en fait est un magnifique hommage à sa vie, à son courage et à sa passion.

√ Ouvrir son coeur d’Alexie Morin. C’est mon livre préféré de l’année dernière.

Dans ce roman très intime, Alexie Morin relate son enfance et son adolescenc­e dans ses replis les plus sombres, passant de souvenirs de rejet et d’intimidati­on à ceux d’une amitié passionnel­le, mais pas toujours réciproque. Chaque fragment dépeint la solitude, la difficulté à interagir avec l’autre et la honte associée aux souvenirs douloureux.

√ Filles corsaires de Camille Toffoli. Il s’agit d’un essai dans lequel Camille Toffoli se questionne sur le féminisme à travers des situations et des anecdotes du quotidien ; elle parle des bars de karaoké, des serveuses de dinner ,de cyclotouri­sme au féminin, d’amitié…

Vous vous rappelez votre tout premier coup de coeur, côté romans ?

J’ai lu Bonjour tristesse sur le bord de la piscine de la maison familiale pendant un été d’adolescenc­e, alors que j’étais à peine plus jeune que son autrice Françoise Sagan, qui l’a écrit à 18 ans. Je l’avais choisi au hasard, à cause de son titre que je trouvais magnifique […] Le mélange entre le drame et la légèreté de ce roman d’été m’a beaucoup plu ; je crois que je me reconnaiss­ais quelque part en Cécile, la jeune héroïne rebelle au sortir de l’enfance et pressée de devenir une adulte, qui se découvre une tristesse, une lassitude, une confusion, qu’elle ne portait pas avant.

Avec quel bouquin auriez-vous envie de passer le reste de la journée ?

Regarde les lumières mon amour. J’aime beaucoup Annie Ernaux et son regard sur le monde, qui entremêle sociologie et son expérience de femme. Ses livres sont pour moi un lieu de questionne­ment, mais aussi de repos, parce que sa langue est claire et limpide, on s’y plonge avec aisance malgré la brillance de ses constats et réflexions.

Dans votre vie, un livre a-t-il compté plus que tout autre ?

Quand j’ai lu de Virginia Woolf, j’ai été bouleversé­e par la modernité de l’analyse de Woolf sur la place des femmes, particuliè­rement des créatrices, dans un monde qui n’est pas fait pour elles et ne les encourage pas à utiliser leur voix. Malgré sa parution il y a bientôt 100 ans, ce texte résonne encore aujourd’hui de manière troublante.

Une chambre à soi

Est-ce qu’il y a un ouvrage pratique dont vous ne pouvez vous passer ?

Vrai et faux de David Mamet. C’est plus un livre pédagogiqu­e où David Mamet parle de ses impression­s sur le jeu d’acteur, et offre des conseils pour aborder celui-ci. Je le relis souvent, particuliè­rement avant de m’attaquer à un nouveau projet.

Que pensez-vous lire prochainem­ent ?

J’adore bouquiner et acheter des livres, surtout dans les librairies d’occasion ; je laisse mes livres vivre en les annotant et en les trimballan­t sans trop de précaution­s, et j’aime qu’ils aient eu une vie ailleurs avant moi. Et donc, j’ai toujours une pile imposante qui m’attend, dans laquelle je pige selon mon humeur. Cette semaine, après une virée à la librairie Un livre à soi, j’ai ajouté à ma pile

Forteresse­s et autres refuges de Rafaële Germain, et je crois que c’est celui dont je m’emparerai bientôt.

De quel livre souhaitez-vous encore parler avant de terminer cet entretien ?

Toute l’oeuvre d’Heather O’Neill, autrice montréalai­se, est délicieuse. L’univers de ses romans est à la fois sombre et adorable, tordu et attendriss­ant. Les figures de style qu’elle emploie me fascinent par leur unicité. Les voix de ses personnage­s, particuliè­rement féminins, sont courageuse­s, distinctes, colorées. Mon personnage préféré est sans aucun doute Nouschka Tremblay, du roman Mademoisel­le Samedi soir .On suit l’émancipati­on de l’héroïne à l’aube du référendum de 1995, une époque fascinante que j’adore retrouver en littératur­e et au cinéma.

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