Le Journal de Montreal - Weekend

GUERRE, RÉFUGIÉS... OUI ON PEUT TOUT DIRE AUX ENFANTS

Marya Zarif, créatrice de l’adorable petite Dounia et coréalisat­rice du film d’animation Dounia et la princesse d’Alep, n’hésite pas à aborder le grave sujet des enfants syriens, victimes de la guerre dans leur pays.

- ISABELLE HONTEBEYRI­E

« La guerre existe, mais les petits miracles aussi », dit-elle lors d’une rencontre avec l’Agence QMI. Avec sa voix aussi chantante que celle de Dounia, Marya Zarif revient sur la genèse du film d’animation.

« Dounia est née parce que j’essayais de dessiner un petit personnage plein de vie, de fougue, de joie et d’appétit, surtout par rapport à la douleur que je vivais et que vivait le peuple syrien depuis des années », indique-t-elle.

« Il y avait, à ce moment, énormément d’images médiatique­s d’enfants syriens en détresse, perdus, morts au bord de l’eau comme le petit Aylan… Ces images-là circulaien­t et devenaient les symboles de cette génération qui a vécu cette horreur. Et je suis de ceux qui ont du mal avec ces images parce qu’elles ne rendent pas justice à l’immense majorité du peuple syrien qui est résilient, fort, plein de vie et d’appétit. »

Dounia (voix de Rahaf Ataya), dont le père est en prison, vit avec ses grands-parents (la grand-mère est doublée par Elsa Mardirossi­an et le grand-père par Manuel Tadros). Après la destructio­n de la maison familiale, la famille prend le chemin de l’exil avant de trouver celui du Québec.

« Peut-être que Dounia est plus moi que je ne veux l’admettre. Je n’ai pas fait d’autoportra­it, ce n’est pas mon histoire à proprement parler – je n’ai pas passé mon enfance dans la guerre. C’est l’histoire de gens que j’aime et c’est une histoire proche de moi. C’est probableme­nt moi sans m’en rendre compte, c’est probableme­nt la flamme vivante d’éternelle enfance qu’il y a en moi », poursuit Marya Zarif.

NAÏVETÉ ASSUMÉE

Le film d’animation d’une incroyable poésie regorge d’une multitude de détails sensoriels qui raviront le public. La grand-mère de Dounia fait de la confiture de roses, du fromage, emporte des épices dans sa valise.

La musique accompagne bon nombre de scènes, dont plusieurs mettent en scène la déesse Ishtar venant en aide à Dounia et les siens.

Comme l’explique la cinéaste, « la naïveté du propos est assumée. C’est une guerre qui est tellement terrible, tellement catastroph­ique, qui a remis en cause tellement de choses à l’intérieur de nous tous, Syriens, qu’il fallait traverser quelque chose de sombre. Avec le tremblemen­t de terre, le peuple syrien ne pouvait pas avoir plus de malheurs que ça, surtout après 40 ans de dictature. Si on assume le sombre de la vie, comme Dounia le fait, il faut assumer le très léger et le très lumineux de la vie. »

LE TRAVAIL DES CONTEURS

On pourrait s’étonner de la gravité du sujet dans un film qui s’adresse aux enfants. Pour Marya Zarif, ce n’est que naturel.

« On peut tout dire et on doit tout dire aux enfants. Mais on doit passer par ce qu’on sait faire depuis la nuit des temps : le travail des conteurs. C’est le travail des gens qui racontent des histoires, c’est de travailler ma propre émotion par rapport à une chose pour pouvoir la transmettr­e à l’enfant avec les bonnes images et les bonnes métaphores. »

Dounia et la princesse d’Alep a pris l’affiche hier.

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DOUNIA ET LA PRINCESSE D’ALEP
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