Le Journal de Montreal - Weekend
Couronnement de Charles III : les défis du présent qui rappellent ceux du passé
Le monde entier a déjà les yeux tournés vers Londres en attendant le couronnement du roi Charles III, samedi prochain. Malgré la turbulence des dernières années du très long règne d’Elizabeth II, due en partie aux frasques du prince Andrew et au profond clivage entre la famille royale et le prince Harry, le roi semble persuadé que son règne va débuter sous les meilleurs auspices. L’opinion publique ne partage pas son optimisme.
Il y a deux siècles, la monarchie était aussi confrontée à un défi de taille. Elle se retrouvait en mauvaise posture et le roi George III, qui avait sombré dans la démence, n’était guère en mesure de régler la situation.
La maison de Hanovre, qui avait succédé à la maison Stuart sur le trône britannique en 1714 avec l’avènement de George Ier, risquait de disparaître faute de successeurs. C’est un fils de George III, le prince Edward, « le Québécois », qui allait sauver les meubles.
Monté sur le trône en 1761, George III eut quinze enfants avec sa femme, Charlotte de Mecklembourg-Strelitz. En principe, la succession ne devait pas poser de problème. Mais à la différence du roi, ses fils préféraient des liaisons extraconjugales. Le roi George III attendait impatiemment que son fils aîné, George, le prince de Galles, se marie et produise un héritier.
UNE VIE DE SCANDALES
Cependant, le prince de Galles, dont la vie dissolue scandalisait son père, avait déjà épousé secrètement Maria Fitzherbert en 1785, une catholique, un mariage jugé illégal en vertu de la législation de l’époque.
En 1795, à bout de patience, George III décida de mettre de la pression sur son fils. Celui qui, selon Alexandre Dumas, était « ivrogne, prodigue, joueur, escroc, débauché, sans parole et banqueroutier » fut obligé d’épouser Caroline de
Brunswick, sa cousine germaine, qu’il ne connaissait pas. C’était à ce prix que le prince George put faire éponger ses dettes colossales.
Le couple se rencontra juste avant leur mariage. Patatras ! Les futurs époux éprouvèrent une soudaine aversion physique l’un pour l’autre. Le prince George déclara que la nuit de noces fut éprouvante, mais que le couple parvint à avoir des rapports sexuels. Caroline riposta que son mari était ivre et impuissant. Quoi qu’il en fût, la nouvelle princesse de Galles tomba enceinte sur-le-champ. Neuf mois après, elle accoucha d’une fille, la princesse Charlotte, deuxième dans l’ordre de succession. Ensuite, le couple se sépara pour toujours.
LA FIN TRAGIQUE DE DEUX PRINCESSES
Le prince de Galles ne sut jamais gagner l’affection de ses futurs sujets. Son intronisation comme prince régent en 1811 pour remplacer son père n’améliora en rien sa popularité auprès des Britanniques, qui n’avaient d’yeux que pour la princesse Charlotte. À l’annonce en 1816 des fiançailles de la princesse et du prince Léopold de Saxe-Cobourg, une explosion de joie salua la nouvelle dans tout le pays.
Après le mariage, l’Angleterre témoigna d’un véritable engouement pour le jeune couple qui n’eut d’égal que la fascination qu’exercèrent dans l’imaginaire populaire Diana et Charles au début de leur mariage.
Par un curieux effet du hasard, les deux princesses connurent une fin tragique. Après deux fausses couches, la princesse Charlotte de Galles mena à terme une nouvelle grossesse en 1817. Cependant, l’accouchement fut difficile. Charlotte mit au monde un garçon mortné avant de mourir quelques heures plus tard.
La disparition de Charlotte et de son bébé déclencha une crise de succession. Qui parmi les autres fils de George III produirait un héritier ? Le duc d’York était marié, mais n’avait pas d’enfant. Le troisième, William, vivait avec une actrice irlandaise qui lui avait donné dix enfants illégitimes. Il se maria en 1818, mais ses deux enfants ne survécurent pas. Le quatrième était le prince Edward, toujours célibataire.
UN PRINCE QUI VÉCUT AU QUÉBEC
Le prince Edward, le futur duc de Kent, ne vécut que peu de temps à Québec, mais ce fut assez pour qu’il laisse sa marque sur la ville et le BasCanada. Accompagné de sa maîtresse, Mme de Saint-Laurent, le prince arriva en 1791 et partit en janvier 1794. Après 27 ans de vie commune, il dut se séparer d’elle à contrecoeur pour épouser en 1818 la princesse Victoria de SaxeCobourg, soeur du prince Léopold, veuf de la princesse Charlotte.
En engendrant sa fille, la future reine Victoria, en 1819, il sauva la maison de Hanovre. Le Québec, comme le Canada, s’en souvient encore.