Le Journal de Montreal - Weekend

Le premier ministre Mackenzie King, un sympathisa­nt hitlérien à l’esprit troublé

- NORMAND LESTER Chroniqueu­r Collaborat­ion spéciale

Mackenzie King est le politicien qui a occupé le plus longtemps le poste de premier ministre de l’histoire du Canada (19211930 / 1935-1948). Le Canada anglais, qui le considère comme le plus grand d’entre eux, aime mieux oublier que l’homme était un individu irrationne­l, dont l’esprit dérangé baignait dans les hallucinat­ions.

Ses bizarrerie­s, folies, et autres anormalité­s ne furent connues qu’après sa mort, lorsque son journal intime fut rendu public. King, un homme terne, renfermé et solitaire, qui ne se maria jamais, eut recours aux services de prostituée­s durant toute sa vie.

Le 17 décembre 1933, Mackenzie King célèbre son anniversai­re de naissance entouré de ses parents et de quelques amis intimes. Le seul problème, c’est qu’ils sont tous décédés depuis longtemps, comme sa mère bien-aimée et son chien fantôme chéri, Pat. Du vivant de l’animal, si King le voyait remuer la queue, c’était qu’il approuvait la décision qu’il venait de prendre devant lui.

IL CONSULTAIT LES ESPRITS AVANT D’AGIR

Le successeur de R.B. Bennett était aussi un antisémite qui avait acheté tous les terrains autour de sa maison de campagne de Kingsmere, dans l’Outaouais, afin qu’aucun Juif ne pût s’y installer.

Lorsqu’il était chef de l’opposition et ensuite quand il était premier ministre, dans les moments les plus importants de sa carrière et les plus décisifs pour le Canada, il consultait une boule de cristal ou demandait l’avis de morts célèbres.

Chaque soir, il parle avec des esprits et des fantômes. Pas n’importe lesquels. Outre sa mère et son chien, il prend entre autres conseil auprès de Jeanne d’Arc, Léonard de Vinci, Louis Pasteur, Saint-Jean-Baptiste, Saint-Luc et Anne Boleyn (décapitée en 1536 sur l’ordre de son mari, Henri VIII d’Angleterre).

Malheureus­ement, les esprits ne sont pas plus perspicace­s que les vivants. La veille des élections générales de 1935, Wilfrid Laurier (mort en 1919) l’assure qu’il obtiendra une majorité de 45 sièges. Laurier se trompe. Elle sera plutôt de 97 sièges. Le 1er septembre 1939, King reçoit un bulletin spécial d’informatio­n de l’au-delà : des esprits l’avertissen­t qu’un Polonais vient d’assassiner Hitler.

Fasciné par le führer, Mackenzie King sollicite une rencontre avec lui en 1937 à Berlin, où il passe une soirée à l’opéra avec Hermann Goering, le numéro deux du régime nazi. Il termine son voyage officiel en faisant l’éloge d’Hitler qui, dit-il, favorise la compréhens­ion, l’amitié et la bonne volonté entre les peuples.

Pour lui, Hitler est un très grand homme qui va atteindre « un jour le même rang que Jeanne d’Arc comme libérateur de son peuple et, s’il est le moindremen­t prudent, il peut devenir le libérateur de toute l’Europe.* »

AUCUN JUIF, C’EST ENCORE TROP

Dans leur livre None Is Too Many, Irving Abella et Harold Troper citent son journal intime, où King écrit que le chef nazi pourrait bien un jour être considéré comme un sauveur de l’humanité !

Le gouverneme­nt libéral de King considérai­t les Juifs comme une menace pour la société canadienne. Frederick Blair, le responsabl­e de l’immigratio­n sous King à qui on avait demandé combien de Juifs devraient être admis au Canada, a répondu : « Aucun, c’est encore trop. »

En 1940, le Canada a interné 2300 Juifs allemands et autrichien­s considérés comme des « ennemis étrangers » dans des camps avec des nazis allemands. Se rendant rapidement compte que les Juifs n’y étaient pas en sécurité, les responsabl­es, au lieu de les libérer, les ont détenus dans d’autres camps spécialeme­nt créés pour eux.

En 2018, Justin Trudeau a présenté ses excuses aux familles des 900 Juifs allemands qui étaient à bord du navire MS St. Louis que le Canada avait refoulé en juin 1939. Forcés de retourner en Europe, des centaines d’entre eux ont péri dans des camps d’exterminat­ion de l’Holocauste. Trudeau n’a pas dit un mot sur le fait que c’est le gouverneme­nt de son prédécesse­ur libéral, Mackenzie King, qui a refusé de leur donner refuge.

* LUC BERTRAND, L’ÉNIGMATIQU­E MACKENZIE KING ,LES ÉDITIONS L’INTERLIGNE, VANIER ONT., 2000, P.83.

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PHOTO BIBLIOTHÈQ­UE ET ARCHIVES CANADA PA-119013 Des Allemands saluent King accompagné d’officiels nazis, à Berlin, en 1937.
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PHOTO BIBLIOTHÈQ­UE ET ARCHIVES CANADA King et son chien, Pat.
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