Le Journal de Montreal - Weekend

UN COIN D’ENFANCE À RETROUVER

ROMANS D’ICI Il y a du Akos Verboczy dans le narrateur de La maison de mon père. Mais il y a plus qu’un témoignage déguisé en fiction : c’est le mystère des retrouvail­les qui est finement exploité.

- JOSÉE BOILEAU Collaborat­ion spéciale

Comme l’auteur, le héros du premier roman d’Akos Verboczy a quitté tout jeune sa Hongrie natale pour s’installer à Montréal. Et comme lui, il gagne sa vie en écrivant, il a même signé un ouvrage à succès – qui dans la réalité s’intitule Rhapsodie québécoise, itinéraire d’un enfant de la loi 101.

Mais en ramenant son narrateur en Hongrie, avec au programme des rencontres avec des familiers de son passé, il détourne les projecteur­s de sa personne pour les tourner vers ceux qui sont restés. Le roman leur est d’ailleurs dédié.

Au-delà des particular­ités de l’immigratio­n, s’y reconnaîtr­ont tous ceux qui, peu importe la distance que cela représente, ont un jour quitté un village, un quartier, une région, une famille.

Verboczy aborde d’une manière aussi lucide que délicate le moment du retour. Comment être sentimenta­l quand son amour de jeunesse n’a que des banalités à raconter ? Que répondre quand sa tante estime en fin de compte que son petit appartemen­t de Budapest valait bien les rêves américains qui l’ont un jour elle aussi tentée ?

Et finalement, la bande d’amis d’enfance a maintenant des soucis d’adultes. Ce qui leur reste en commun est magique, mais appartient au passé.

TOURISTE EN TERRAIN CONNU

Le narrateur détonne d’une autre manière à Budapest. Il y est en touriste, mais il parle hongrois et a ses repères : « pas chez moi proprement dit, mais très certaineme­nt en terrain connu ». Jusqu’à ce qu’il constate que certains lieux ont disparu ou sont en voie de l’être.

Ce n’est pourtant pas son premier retour dans la capitale hongroise. Mais la fois d’avant, très brève, remonte à 12 ans plus tôt, au moment des funéraille­s de son père – un homme impossible à pleurer tant il était volage, endetté, buveur, irresponsa­ble, absent…

Mais c’était aussi un amoureux fou de son pays, et cela va peu à peu imprégner le narrateur. Le point culminant en sera un fabuleux détour pour retrouver, avec son ami Petya, la vilaine maison de campagne de son enfance – un ancien pressoir que son père avait aménagé pour y séjourner.

Les souvenirs ont besoin d’un ancrage, et il constatera que celui-là, unique, lui appartient en propre. Et l’endroit, aujourd’hui vendu, n’a finalement pas besoin de lui appartenir en vrai.

Dans ce roman où la nostalgie est à la fois mise en valeur et remise à sa place, il faut par ailleurs souligner l’intérêt de découvrir un pays méconnu, souvent caricaturé.

Par exemple, en dépit de ses travers, l’ère communiste cultivait des valeurs de soutien communauta­ire que l’auteur présente avec justesse et que nos sociétés de consommati­on ont toujours du mal à reconnaîtr­e.

Akos Verboczy nous convie donc à un beau voyage : familial, géographiq­ue, historique, humain. Il fait bon l’y accompagne­r.

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LA MAISON DE MON PÈRE Akos Verboczy Éditions du Boréal 330 pages 2023
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