Le Journal de Montreal - Weekend

IA, PUCES INTÉGRÉES, TERRORISME : VOICI UN ROMAN SUR UN AVENIR INQUIÉTANT

Parler de 2033, c’est évoquer demain. Mesure-t-on tout ce que l’intelligen­ce artificiel­le annonce déjà ?

- JOSÉE BOILEAU Collaborat­ion spéciale

D’entrée de jeu, on est fixés : en ce 15 novembre 2033, Adel Salem, 22 ans, devient le premier Canadien condamné pour activité terroriste non pas par des humains, mais par l’intelligen­ce artificiel­le.

Ceci établit, le roman recule de quelques mois. On retrouve un Adel écartelé entre ses envies de révolte et la nécessité de décrocher son diplôme en génie informatiq­ue – ce qui l’oblige à faire un stage en entreprise.

En véritable Dissident, comme le veut le titre, il est donc stagiaire modèle de jour et membre d’un groupe anarchiste sévissant la nuit. Leur cible : les commerces qui peu à peu embourgeoi­sent Saint-Michel, quartier populaire de Montréal. Les talents d’Adel lui permettent de facilement contourner les systèmes de sécurité.

Mais Adel ne se sent pas à l’aise au sein du groupe. Il est agacé de voir son amoureuse attirée par Maximilien, un activiste qui aime se mettre en valeur. La jalousie est toutefois un tabou dans ce milieu, alors Adel ronge son frein.

Ça ne pourra pas durer. Une bataille féroce entre les deux jeunes hommes oblige Adel à s’éloigner – ce qui alimente son envie de tout foutre en l’air.

Et justement, son stage se déroule chez Eagle Eyes System, une firme prestigieu­se qui développe un système afin de contrer les cyberattaq­ues. Il connaît les rouages de l’endroit. Sa guerre va pouvoir commencer.

DES PISTES PEU EMPRUNTÉES

Avec une telle trame, Jean-Pierre Gorkynian présente un intéressan­t personnage de jeune tourmenté, reflet de nos temps troublés. Son Adel est d’origine kurde, donc héritier de luttes ancestrale­s, mais l’avenir n’offre pas l’exaltation des temps passés.

D’autant que l’intelligen­ce artificiel­le réduit les risques et les hasards.

Les gens ont maintenant une puce insérée sous la peau, entre le pouce et l’index. Elle remplace les mots de passe, les cartes de paiement, les billets de transport d’autrefois… Les voitures sont autonomes. Les policiers portent des lunettes intelligen­tes qui leur permettent d’ajuster leurs interventi­ons.

L’IA est aussi de mise dans le système de justice. Une fois Adel arrêté, un algorithme choisit le jury qui entendra son procès. Et c’est un logiciel de gestion de preuves qui décidera de l’accuser de terrorisme, en fouillant l’historique informatiq­ue du jeune homme. L’aire de jeu de la défense s’en trouve réduite.

Gorkynian explore ainsi des pistes encore peu empruntées, ce qui fait l’intérêt du récit. Tout ce dont il parle est présenteme­nt exploré, développé ou testé – ainsi de la puce sous-cutanée. Il nous fait prendre conscience à quel point de grands bouleverse­ments sont à notre porte.

PLUS D’ACTION

Le propos est toutefois plus éparpillé que dans Tireur embusqué ,son très fort roman précédent consacré à un jeune réfugié syrien fraîchemen­t arrivé au Québec. On aurait pris moins d’états d’âme d’Adel et davantage de scènes d’action, que Gorkynian sait raconter, ou de détails autour du procès inusité qui nous est présenté.

Néanmoins, la lecture vaut le détour, pour déjouer l’inconscien­ce avec laquelle on avance.

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Jean-Pierre Gorkynian Éditions Mémoire d’encrier 288 pages
DISSIDENT Jean-Pierre Gorkynian Éditions Mémoire d’encrier 288 pages
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