Le Journal de Montreal - Weekend
Une mère qui était une amie et une soeur
Dans son nouveau livre, très intime, Nathalie Petrowski parle avec franchise de cette relation particulière qu’elle aura entretenue avec Minou Petrowski, jusqu’à la toute fin de sa vie. La journaliste et auteure se demande comment le public réagira à La vie de ma mère, dans lequel elle raconte cette femme qui n’a jamais été une mère, mais plutôt une amie, une source d’inspiration… et d’opposition.
Tu abordes un sujet tabou, parce que ça reste tabou d’affirmer qu’on ne s’ennuie pas de ses parents…
Oui, et je ne suis pas la seule à qui ça arrive. Bon, ma mère a quand même beaucoup été dans ma vie. Elle n’est plus là depuis 2021, et je ne ressens pas grand-chose. Au début, je ne comprenais pas ce que j’avais. J’aurais dû être en larmes, mais je n’étais pas du tout effondrée. Il y a plusieurs raisons à ça. Les dernières années avec ma mère ont été difficiles. Elle souffrait de la maladie à corps de Lewy, une forme de démence. C’est sûr qu’il y a un soulagement, parce qu’elle aussi se voyait aller. Elle était malheureuse. Et puis, il y avait le fait que j’ai eu une grande soeur, une bonne amie, une voisine, mais pas une mère. Alors, ce n’est pas comme si une part de moi était partie. Il fallait que j’explique tout ça en même temps que l’affection que j’ai eue pour cette femme qui m’en a fait un peu baver…
C’est réussi. On sent ton affection pour elle, mais aussi parfois ton exaspération, les blessures d’enfance…
Pendant les dernières années où je ne savais pas qu’elle était malade, ma mère était franchement invivable. Il y avait beaucoup de colère refoulée en moi. En l’écrivant, ça m’a aidée à apaiser cette colère, et à comprendre ma mère. Dans le livre, j’évoque toute sa relation avec la France qu’elle a quittée et tant aimée. Elle me tapait sur les nerfs avec ça! Et quand je suis allée à Nice avec mon fils, j’ai compris quelque chose que je n’avais pas compris de son vivant, car j’étais trop en réaction. J’ai évité cette ville, parce que ma mère m’en parlait tout le temps, mais là, j’ai mesuré combien ç’avait été dur pour elle de passer de la Côte d’Azur, du ciel bleu, de la mer, à une banlieue d’Ottawa des années 1950 et 1960.
Lors de ce voyage, tu respectes une de ses dernières volontés.
Dans son testament, ma mère demandait à ce que ce soit mon fils, Louis, qui jette ses cendres dans la Méditerranée, mais elle savait qu’il n’allait pas y aller tout seul… Tu vois comme elle était un peu croche! (rires) Et là, j’ai regretté qu’elle ne soit pas là… J’aurais voulu lui dire : « Mon Dieu, Minou, ta ville est magnifique! » et y marcher avec elle.
C’est à ton fils, Louis, que tu dédies ton livre…
Oui, ma mère aimait beaucoup mon fils. Les bébés, ça ne l’intéressait pas, mais dès que Louis a commencé à parler, tout a changé. Lui aussi aimait beaucoup ma mère. Si je lui dédie ce livre, c’est que j’espère être une meilleure mère que la mienne. Elle est très importante pour moi, mais ce que je voulais, c’est une mère straight, alors qu’elle faisait partie de ces femmes des années 1960, 1970 qui ont été les premières à être en rupture avec un modèle imposé. Parfois, ça s’est fait sans trop de délicatesse. À un moment donné, Minou est partie deux mois en Californie. C’est violent, surtout si tu es l’enfant d’une femme comme ça. On est un peu les dommages collatéraux de cette première émancipation féministe. En même temps, elle a été mon modèle.
Son livre La vie de ma mère est en vente partout.