Le Journal de Montreal - Weekend
VOICI UNE COLLECTION FASCINANTE D’HISTOIRES DE FANTÔMES
Peu de gens s’en vantent, mais qui ne connaît pas une « vraie » histoire de fantômes ? Vincent Brault en a récolté une pléthore, à confondre les sceptiques !
Vincent Brault est un romancier de l’étrangeté. Ses livres mettent en scène des personnages invraisemblables (le héros de La chair de Clémentine ne se sent bien que lorsqu’il gèle !) ou surnaturels (son précédent titre, Le fantôme de Suzuko, en témoigne).
Avec Les ombres familières, il fait cette fois le pari de la réalité… en restant à la frontière de l’incroyable.
Tout découle de son dernier roman pour lequel il s’était documenté sur le phénomène des yokai, des êtres surnaturels qui font partie du folklore du Japon. Ses connaissances l’ont amené à donner des conférences sur le sujet.
Or, chaque fois, quelqu’un venait ensuite lui raconter une histoire étrange qui lui était arrivée. L’idée de consacrer un livre à l’impalpable qui nous entoure s’est peu à peu imposée.
Brault est donc parti à la recherche de témoignages. Des 300 entendus, il en a retenu 90 qu’il a répartis en huit thèmes : « Les revenants », « Les possédés », « Les signes »… Mais il a laissé à chaque narrateur sa voix particulière, incluant des remarques qui les ancrent dans la réalité : « Estce que tu enregistres ? » ; « Mon nom n’apparaîtra pas nulle part, hein ? ».
Les textes font quelques lignes, quelques paragraphes ou quelques pages. Il n’y a pas de détails superflus, comme si les gens, se méfiant d’euxmêmes, tenaient à garder une retenue.
On est d’ailleurs encore plus accrochés quand on tombe sur des précisions telles que : « Je suis une scientifique. […] En même temps je peux pas dire que ça m’est pas arrivé. » Ou encore : « J’ai un esprit scientifique. […] Je suis pas vraiment ouverte à ça. Sauf qu’il m’est arrivé de quoi. »
Lecteurs rationnels, nous avons aussi le pied sur le frein !
DES MISES EN PERSPECTIVES
On se dit qu’ici, l’ennui a fait croire à des étreintes ; ailleurs que la drogue a altéré les perceptions. Ou que la planche Ouija stimule vraiment beaucoup les imaginations !
Puis on tombe sur une histoire qui laisse bouche bée ; une autre qui fait peur ; sans oublier celle qui rappelle un moment bizarre qu’on a soi-même vécu… Cela donne une lecture très particulière, à la fois de résistance et de familiarité face à ce qui sort de l’ordinaire.
Vincent Brault parsème son ouvrage de mises en perspective.
« Les histoires de fantôme sont l’occasion de dire ce qui autrement ne se dit pas », écrit-il. Cela rappelle le Voyances d’Anne-Renée Caillé, aussi paru chez Héliotrope.
L’autrice se faisait tirer aux cartes, dessiner sa carte du ciel, dresser sa numérologie… Autant de manières d’appréhender sa propre vie.
Ilyadeçadansles récits de fantômes et d’incidents curieux. Mais pas que… Et c’est cette exception troublante – chacun aura la sienne ! – qui fait frissonner. De quoi nourrir bien des veillées !