Le Journal de Montreal - Weekend
UNE VAMPIRE qui vous veut du bien
qu’elle
Imaginez une jeune vampire qui n’arrive pas à mordre parce ressent trop de compassion pour les humains… C’est en partant de cette idée pour le moins originale que la cinéaste Ariane Louis-Seize a construit le scénario de son premier long métrage, une comédie noire joliment intitulée Vampire humaniste cherche suicidaire consentant.
« C’est un flash que j’ai eu il y a environ cinq ans », explique Ariane Louis-Seize, en entrevue au Journal.
« Au départ, je pensais en faire un court métrage. J’avais le goût d’avoir du fun et de faire quelque chose comique, parce que je venais d’être échaudée par une expérience d’écriture de long métrage qui ne s’était pas concrétisée. Mais en commençant à écrire le scénario avec ma coscénariste, Christine [Doyon], on a commencé à voir tout le potentiel de cette histoire, alors on a décidé d’en faire un long métrage. »
Sasha (Sara Montpetit), une
« jeune » vampire (elle a en fait
68 ans !) inquiète sa famille parce qu’elle n’arrive pas à mordre. Le problème, c’est que comme elle ressent trop de compassion pour les humains, ses dents de vampire n’ont toujours pas poussé. Sa rencontre avec Paul (Félix-Antoine Bénard), un jeune homme vivant avec des pensées suicidaires, lui offrira peutêtre une solution à son problème de morsure.
MÉLANGE DE TROIS GENRES
Le scénario de Vampire humaniste cherche suicidaire consentant a permis à Ariane Louis-Seize de mélanger trois genres qu’elle affectionne particulièrement : la comédie noire, le film de vampires et le récit initiatique, tout en abordant des thèmes universels comme l’affirmation de soi, l’amitié et la famille.
« Il y a toujours eu quelque chose qui m’a intéressée dans l’aura des vampires et dans les personnages marginaux », indique la cinéaste qui a remporté le mois dernier le prix de la meilleure réalisation de la section Venice Days, à la prestigieuse Mostra de Venise.
« Déjà, pour mon premier court métrage, La peau sauvage [lancé en 2016], j’avais demandé à l’actrice Marilyn Castonguay de regarder des films de vampires parce que je voulais la diriger un peu comme une vampire. J’aime beaucoup les ambiances mélancoliques et étranges, et jouer avec le phénomène d’attraction-répulsion. Les thématiques que j’aborde dans le film et les personnages que j’ai développés vivaient en moi depuis très longtemps, je crois. »
ÉVITER LE GORE
En général, qui dit film de vampires dit généralement effluves de sang. Or, Ariane Louis-Seize a fait le choix de ne pas emprunter cette voie pour éviter de tomber dans le gore.
« C’était vraiment un choix assumé, convient-elle. J’aime vraiment les univers étranges où il y a de la tension. Mais je n’aime pas quand ça devient gore et qu’on voit trop de sang ou de plaies ouvertes. Mon intention, c’était de jouer avec le hors champ et de contraster par exemple des cris à une musique jazz très joyeuse pour créer un effet comique. »
Elle s’est aussi permis quelques libertés en revisitant les codes du film de vampires : « Il y a des codes, mais on a le choix de les appliquer ou pas. J’ai déjà vu des films de vampires où les vampires peuvent aller au soleil. On a pris ce qui nous plaisait là-dedans. »
Pour la réalisation de ce rare film de vampires québécois, Ariane LouisSeize avait plusieurs défis à relever. Elle a dû notamment s’habituer à un horaire de tournage de nuit.
« Je suis vraiment quelqu’un de matinal dans la vie, alors c’était particulier de virer mon horloge biologique à l’envers pour tourner la nuit, relatet-elle. Les trois premiers jours, je me demandais comment j’allais faire et j’avais peur de ne pas être capable d’être fonctionnelle. Mais après trois jours, tu finis par t’habituer. Et le fait qu’on soit toute la gang, les acteurs et les membres de l’équipe de tournage, à vivre ensemble cet horaire de nuit a fait en sorte qu’on se sentait nous-mêmes un peu comme des vampires… Ç’a peut-être aidé pour l’ambiance vampiresque du film ! »