Le Journal de Montreal - Weekend
CÉDRIC SAPIN-DEFOUR SE SOUVIENT DE SON CHIEN UBAC
Ubac fut le premier chien de l’auteur Cédric Sapin-Defour : un bouvier bernois, âgé de 13 ans et demi lors de son décès, qui lui a inspiré un livre entier, Son odeur après la pluie. L’auteur de ce best-seller français nous parle d’Ubac.
1 Quelle est la raison qui vous avait poussé à adopter Ubac ?
Devenir (enfin) adulte. Dans mon enfance, les chiens de ma vie ont toujours été ceux des autres : amis, voisins, cousins, etc. Mes demandes pour avoir un chien n’aboutissaient jamais et étaient vues comme des caprices. Je m’étais promis au plus profond de mon coeur que lorsque serait venu le temps du libre arbitre, j’aurais mon propre chien. C’est cela, pour moi, avoir un chien : être libre et responsable.
2 Pourquoi avoir choisi le nom d’Ubac ?
Tout simplement parce que 2003 était l’année du U. En France, il y a cette règle de la Société Canine qui attribue une lettre chaque année. Dans cette étape d’attribution d’un nom, cette contrainte était une bonne chose, car elle a facilité mon choix. Plus concrètement, le mot « ubac » veut dire le versant d’une montagne exposé au nord. L’univers de la montagne (ses pratiques, sa culture, son récit) structure mon existence depuis toujours. Associer le nom de mon chien aux termes de la montagne me paraissait cohérent.
3 Comment décrire en quelques phrases la personnalité d’Ubac ?
Elle se décrit en un mot : humanité. Ubac était attentif à l’autre, de façon convaincue et gratuite. Il oeuvrait à l’harmonie du monde. Ubac était la bonté même. C’est très sain pour l’homme, plutôt enclin à se fixer sur son nombril, d’être entouré d’un être sincèrement désintéressé de lui-même comme le chien.
4 Racontez-nous un fait cocasse, inusité ou particulier concernant Ubac.
La scène se passe au bord d’une route. Ubac aperçoit un escargot en fin de traversée (ce pour quoi il était parti, vraisemblablement, la veille au matin). Un miraculé ? Ubac, inquiet de le voir évoluer en terrain hostile, le saisit délicatement par la coquille sans la fendiller et le repose de l’autre côté, dans l’herbe protectrice.
5 Racontez-nous un de ses mauvais coups.
Quand Mathilde, qui allait devenir mon épouse, est arrivée dans ma vie, Ubac a exprimé son enthousiasme à l’idée que notre meute s’élargisse. Il lui a dit un grand oui, lui attribuant câlins et vocalises amicales. Toutefois, çà et là, il n’a pas oublié d’exprimer aussi sa crainte que mon amour pour lui ne disparaisse. Il a alors, pendant quelques semaines, sombré joyeusement dans la régression : murs en plâtre défoncés, cordes d’escalade mordillées pour s’assurer que nous n’irions pas grimper les montagnes, crottes déposées généreusement au pas de la porte de la chambre à coucher. Puis tout est rentré dans l’ordre quand il a saisi que l’amour était tout à fait partageable.
6 Quel était son endroit préféré ?
Partout où il passait, Ubac était le maître absolu pour déterminer non pas son lieu préféré, mais plutôt l’endroit stratégique d’où il était certain de ne rater aucun de nos mouvements ni toute tentative de sortie de notre part.